L’Indochine en guerre
Le général Jean Marchand vient de faire paraître un magnifique ouvrage agrémenté de nombreuses illustrations et d’une lecture facile et agréable.
La trame en est simple : les événements d’Indochine qui se sont déroulés de 1940 à juillet 1954 sont découpés dans l’ordre chronologique en 23 chapitres. Chacun d’eux montre la situation à une date déterminée, fait le bilan des forces en présence, donne un récit sobre des événements militaires accompagnés de croquis schématiques très clairs, indique les résultats positifs ou le plus souvent négatifs de notre politique, ou de notre absence de politique du moment.
Là, où le général Marchand se montre véritablement historien, c’est par l’objectivité qu’il manifeste. Les erreurs et les défaillances sont soulignées, certes, mais sans commentaires désobligeants et surtout par des citations appropriées. Le lecteur ne s’y trompe d’ailleurs pas : il sent fort bien le défaut de la cuirasse, et quand nous devons faire notre mea culpa sur notre poitrine ou au contraire sur celle des autres.
Les autres en l’occurrence (il faut excepter les Japonais qui étaient, nos ennemis) ce sont incontestablement les Américains et les Chinois, alors nos alliés. Se larguant d’un anticolonialisme assez surprenant, les Américains, lors de la capitulation japonaise, ont empêché la France de reprendre – ce qui eût été aisé à l’époque – le contrôle de toute l’Indochine du Nord et son ascendant sur les populations. Quant aux Chinois de Chang Kai Chek, invités à occuper l’Indochine jusqu’au 16e parallèle, leurs hordes y ont apporté le désordre, le vol et une anarchie qui a été particulièrement propice aux habiles menées d’Ho Chi Minh.
Mais nous pouvons aussi nous frapper la poitrine. Le bilan de nos erreurs et de nos maladresses est présenté avec objectivité. Une lueur : l’arrivée en Indochine du général de Lattre de Tassigny. Mais sa hardiesse aurait dû avoir pour corollaire la mise à sa disposition des moyens qu’il demandait : ceux-ci eussent été sans doute suffisants à une époque où l’armée chinoise était empêtrée en Corée et où les troupes d’Ho Chi Minh faisaient encore école. Seulement il eût fallu faire appel probablement aux soldats du contingent, et là des considérations électorales sont intervenues.
Le résultat a été Dieu Bien Phu qui s’inscrit connue une défaite en dépit du courage dont les nôtres ont fait preuve.
Cet ouvrage constitue un beau palmarès de la vaillance et de l’esprit de sacrifice de nos soldats et de leurs chefs, à qui nous devons d’avoir pu maintenir, malgré tout, notre rang de grande puissance. ♦