Politique et diplomatie - Les entretiens des Melun-La politique américaine et les problèmes de l’Asie
LE 16 septembre 1959, le Général de Gaulle avait exposé la politique, qu’avec l’approbation du gouvernement, il entendait appliquer à l’égard de l’Algérie. Cette politique consistait essentiellement à proclamer l’inéluctabilité du recours à l’autodétermination, c’est-à-dire à prendre l’engagement que les Algériens seraient consultés sur ce qu’ils veulent être en définitive : « Les Algériens feront connaître le destin qu’ils veulent adopter, ils n’en auront point d’autre et tous, quel que soit leur programme, quoi qu’ils aient fait, d’où qu’ils viennent, prendront part, s’ils le veulent, à cette consultation. » Mais cette consultation ne peut évidemment être organisée et ne saurait évidemment être tenue pour valable que si la paix est au préalable rétablie. Il convient donc « que cessent les combats odieux et les attentats fratricides qui ensanglantent encore l’Algérie », et qui n’ont plus de sens une fois affirmée solennellement la volonté de la France de laisser les Algériens décider librement de leur sort. En même temps le chef de l’État avait averti clairement les dirigeants du F.L.N. qu’il était exclu que la République Française leur accorde le privilège de traiter avec eux du destin de l’Algérie « les bâtissant par là même comme gouvernement algérien ».
Il n’était pas inutile de rappeler ces termes de la déclaration du 16 septembre 1959. Le Président de la République s’y est lui-même référé dans son allocution du 15 juin 1960 : « le 16 septembre fut tracée la route claire et droite qui doit mener l’Algérie vers la paix ». Sans doute, entre septembre 1959 et juin 1960, le F.L.N. n’avait pas cru devoir répondre à l’appel du Général de Gaulle. Celui-ci d’ailleurs, n’a jamais cru pouvoir trancher du jour au lendemain un tel problème. Le 15 juin dernier, le Général de Gaulle a pris acte du fait que l’autodétermination des Algériens était désormais reconnue par tous, y compris par les chefs de la rébellion, comme la seule issue possible du drame algérien. Il a répété, en y insistant « que le choix des Algériens serait complètement libre, que les informateurs du monde entier auront pour le constater pleine et entière latitude, que toutes les tendances pourront prendre part aux débats qui fixeront les conditions du référendum, à la campagne auprès des électeurs et au contrôle du scrutin ». Et le Général de Gaulle en appelait à nouveau aux dirigeants de l’insurrection : « Nous les attendons ici pour trouver avec eux une fin honorable aux combats qui se traînent encore, régler la destination des armes, assurer le sort des combattants. Après quoi, tout sera fait pour que le peuple algérien ait la parole dans l’apaisement ».
Le 20 juin, M. Ferhat Abbas annonçait à Tunis que le G.P.R.A., « bien que la position du Président de la République Française reste éloignée de la sienne », décidait « d’envoyer une délégation présidée par M. Ferhat Abbas pour rencontrer le Général de Gaulle en vue de mettre fin au conflit et de régler définitivement le problème ». Il dépêchait à cet effet un responsable à Paris pour organiser les modalités du voyage. Dans le même communiqué, le G.P.R.A. se référait à sa précédente déclaration du 11 juin qui disait que « les garanties d’une libre consultation du peuple algérien… devaient nécessairement être arrêtées par les deux parties du conflit ». Ces déclarations officielles du G.P.R.A. du 11 et du 20 juin expriment nettement l’écart qui persiste entre les positions du chef de l’État et celles du F.L.N. Pour le F.L.N. les garanties d’une libre consultation doivent être traitées par les deux parties du conflit, ce qui signifie qu’elles doivent être fixées par négociation entre la France et le G.P.R.A. Le Général de Gaulle a, au contraire, indiqué le 16 septembre et précisé le 15 juin que toutes les tendances pourront prendre part aux débats qui fixeront les conditions du référendum. Cela signifie que devra être organisée sur les conditions du référendum, une espèce de table ronde à laquelle prendront part certes les représentants du F.L.N., mais à laquelle prendront part aussi les représentants des autres tendances. Une négociation avec le F.L.N. sur les conditions du référendum aboutirait à reconnaître au F.L.N. la qualité qu’il revendique mais que nous lui refusons de « gouvernement » algérien. De même dans le communiqué du 20 juin, le G.P.R.A. disait que « désireux de mettre fin au conflit et de régler définitivement le problème », il avait décidé d’envoyer une délégation présidée par M. Ferhat Abbas pour rencontrer le Général de Gaulle. Mais l’invitation adressée par le Général de Gaulle aux rebelles avait un objet très précis : faire cesser le feu, régler la destination des armes et assurer le sort des combattants. Il ne pouvait s’agir de négociation tendant à « régler définitivement le problème » puisque le « problème » ne peut être résolu que par la consultation de tous les Algériens et que l’organisation de cette consultation ne peut être fixée qu’en accord avec toutes les tendances et pas seulement avec le F.L.N. Il y avait donc au départ une large marge entre les positions de la France et du F.L.N. Le F.L.N. cherchait d’une part à apparaître comme le porte-parole de l’Algérie, au moins des musulmans algériens et d’autre part à élargir la négociation à l’ensemble du « problème algérien » et non seulement aux conditions du cessez-le-feu.
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