La Chine et son ombre
Si le lecteur cherche dans ce livre des conclusions formelles sur le phénomène de la Chine actuelle, il sera sans doute déçu. Tibor Mende conclut sous forme d’apologue, en racontant une rencontre de hasard dans un tramway, avec un professeur chinois qui a laissé sa famille à Hong Kong, est revenu en Chine communiste, y juge la vie très dure, puis ajoute : « Mais ils sont en train de faire ce qui devait être fait… »
« Ils », ce sont les dirigeants du pays, insensibles à la misère humaine, exigeant des efforts surhumains d’une masse de sept cent millions d’habitants, mais réussissant cependant à mieux distribuer les biens et les richesses, si l’on peut encore donner ces qualificatifs à une pauvreté également répartie. Devant cette indifférence pour la peine des hommes, et ce résultat, Tibor Mende dit le « sentiment de suffocation » qu’il en a retiré. Soucieux d’être objectif, il a parcouru plus de vingt-cinq mille kilomètres en Chine, et mené des enquêtes approfondies. Comme tant d’autres témoins, il souligne l’extraordinaire transformation de cette humanité chinoise, et les conséquences qu’elle doit normalement avoir dans l’histoire du monde ; mais, à la différence de tant d’autres visiteurs qui ont surtout retenu de la Chine l’édification économique, il insiste, pour le mettre au premier rang, sur « l’élan messianique » qui anime des militants, depuis les dirigeants les plus élevés jusqu’aux cadres les plus modestes. C’est une foi implacable et sans joie, mais entièrement tendue vers ses buts, qui régente cette fourmilière humaine et la plie, pour la contraindre à des efforts et à des réalisations que nul n’aurait osé imaginer il y a quelques années.
Les scrupules de Tibor Mende de ne citer que des faits vérifiés, de faire apparaître les multiples faces de la vérité, font de son livre probablement l’un des meilleurs sur la Chine communiste. ♦