L’Allemagne devant les Soviets
Khrouchtchev, sur l’échiquier du monde et spécialement sur celui de l’Europe, avance tranquillement ses pions. L’Ouest proteste, mais enregistre. L’Ouest subit. Attitude qui, comme il est naturel, encourage le Kremlin à persévérer dans des méthodes aussi rémunératrices et qui, en même temps, l’encourage à redoubler d’impudence. N’avons-nous pas tout récemment, recueilli de la bouche de M. Smirnov, ambassadeur des Soviets à Bonn, trois déclarations formulées avec une parfaite sérénité ? D’abord un éloge du libéralisme manifesté par le gouvernement de l’Allemagne Orientale en n’exigeant pas l’incorporation pure et simple de tout Berlin au territoire de la zone soviétique, libéralisme qui méritait la reconnaissance de l’Ouest. Ensuite un étonnement devant tout le tapage mené à l’Ouest autour du mur de la honte, cette barrière n’étant « qu’une mesure toute naturelle de protection contre l’éventualité d’une attaque lancée de Berlin-Ouest ». Et enfin, pour clore, provisoirement, la liste des provocations verbales calculées, la légitimité d’une extradition du général Heusinger mis en parallèle avec Eichmann !
* * *
Ce qui encourage Khrouchtchev à persévérer dans la pratique de la tactique dure, c’est peut-être moins encore la faiblesse que le décalage, dans le camp occidental, entre la virilité des mots et la mollesse des réactions. Rappelons-nous un passé encore tout frais. Rappelons-nous l’intrépidité des résolutions prises à l’unanimité à la conférence des Ministres des Affaires Étrangères réunie l’été dernier à Paris : ne céder sur aucun point, contrer toute menace de l’Est « avec la dernière fermeté », riposter à des interventions militaires par des mesures militaires automatiquement déclanchées. Quelques semaines passent, et c’est le 18 août, le monstrueux coup de force de Moscou à Berlin, le verrou mis brutalement à la dernière porte entr’ouverte vers la liberté pour les Allemands de l’Est. Une fois de plus l’Ouest enregistre, subit, renonce même à des mesures de représailles économiques jugées trop dangereuses. Que sont devenues les belles attitudes impavides ?
Il reste 92 % de l'article à lire