Réflexions sur notre allié britannique
Chaque pays a, périodiquement, ses scandales. La France a connu l’affaire des ballets roses, l’Allemagne celle du Spiegel, l’Italie celle de Wilma Montesi. L’Amérique n’en est pas exempte : ils sont à son échelle, donc considérablement plus graves. C’est rarement un fait divers, c’est plutôt une industrie prospère : réseaux de call-girls, lobbies spécialisés dans les pressions sur le Congrès, corruption de certains syndicats.
Il serait donc inexact et inéquitable, pour un étranger, de donner un relief particulier à « l’affaire Profumo ». Mais il faut remarquer l’importance qui lui a été consacrée pendant des semaines par la presse et l’opinion britannique. Nombre d’éléments s’y trouvaient réunis qui ne pouvaient manquer d’alimenter divers courants d’opposition : pour les uns, il s’agissait d’une vertueuse émotion devant un scandale de mœurs ; pour d’autres, c’était l’indignation en présence de l’injure aux vénérables institutions parlementaires — le mensonge d’un ministre de la Couronne dans un discours aux Communes ! — Pour d’autres encore, c’était une réelle inquiétude concernant la valeur de la structure gouvernementale actuelle — comment un Premier ministre a-t-il pu si longtemps ignorer, voire couvrir de telles pratiques ? — Certains enfin étaient effrayés à l’idée des éventuelles conséquences sur le plan de la défense nationale et de l’alliance atlantique. Car de quelle nature exacte sont les confidences qui ont été transmises à l’attaché naval soviétique ?
La Grande-Bretagne avait été doublement souffletée au début de l’année 1963 : les accords de Nassau l’avaient contrainte à s’incliner sur le plan de la défense devant les nouvelles conceptions des États-Unis. La rupture des négociations de Bruxelles l’avait placée sur le plan politique et économique devant la détermination française de construire la nouvelle Europe dans le cadre exact du Traité de Rome.
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