L’Histoire universelle des Armées
« La guerre est un fléau. Destructrice des vies et des biens, elle anéantit d’un seul coup ces insignes patrimoines, œuvre des siècles, que sont les civilisations. À quoi sert à l’homme d’accroître de jour en jour sa domination de l’Univers si ces progrès apparents tendent à précipiter sa perte autant, sinon plus, qu’à faciliter ses conditions d’existence ? Qui pourrait affirmer que la sagesse des Nations et des dirigeants soit en mesure de conjurer ces folies endémiques que sont la haine et la volonté de puissance ? Le mal est en nous. Nous oscillons entre ces deux propositions contradictoires : Homo homini deus - Homo homini lupus. Nous pouvons déplorer cette tare originelle, mais non nous la dissimuler. L’Histoire est la science des constatations.
Si loin que nous remontions dans le temps, nous voyons toute vie conditionnée par la lutte : contre les éléments, les animaux, les autres hommes. Nous devons reconnaître qu’il n’y a jamais eu de progrès sans lutte. Nous ne nous réalisons pleinement que par l’effort contre nous-mêmes, condition de toute ascèse et de toute ascension. Ainsi, la lutte entremêle-t-elle le bien et le mal : Les dieux les ont attachés par les cheveux.
L’homme est un animal social, même pour accomplir des actes asociaux. Dépassant le stade du duel, la guerre a bien vite impliqué le groupe. Du groupe constitué pour combattre procèdent les armées.
Les armées sont objet de connaissance. À travers elles, l’observateur perçoit la vie profonde du groupe évoluant peu à peu, d’âge en âge, sous le double signe d’une association, de plus en plus perfectionnée, d’instruments. Car, s’opposant à l’animal, l’homo faber, dès sa plus lointaine origine, s’est fabriqué des outils pour accroître sa force ou pallier sa faiblesse. Ces deux traits, entre autres, nous permettent de jalonner l’histoire des armées. »
C’est ainsi que commence la préface du général de Cossé-Brissac, au 1er tome d’une très remarquable Histoire universelle des Armées, et il poursuit plus loin… « L’Histoire universelle des Armées ne se veut pas un traité de stratégie ou de tactique. Ce beau livre, de conception toute nouvelle, se propose de nous décrire la lente et complexe évolution, diversifiée de siècle en siècle et de Nation en Nation, de ces organismes sociologiques que sont les armées. Il nous retrace leurs recrutements, leurs articulations, leurs armements, leurs procédés de mise en œuvre, leurs idéaux, les conceptions qui les meuvent, les modes de pensée et de vie des soldats de tous les âges et de tous les pays. Nous nous sommes interdits, dans cette modeste préface, de déflorer ce magnifique récit, si bien conduit jusqu’à son terme par des spécialistes éminents de l’enseignement militaire et de l’Université, si bien illustré aussi de tableaux et de cartes suggestives établis par des officiers particulièrement qualifiés. »
Traduit en chiffre l’effort réalisé se mesure déjà : 600 documents couleur, 800 illustrations noir et blanc, 100 pages de cartes coloriées, 120 pages de tableaux et résumés synoptiques, cinquante pages de répertoires. Total jamais atteint pour un livre d’Histoire. Le tout avec un soin – un luxe – une beauté qui renouent avec la grande tradition de l’art du livre, celle que fournissait jadis la bibliothèque des princes et des rois avant d’être mis à la portée des amateurs du xixe siècle.
Mais il faut féliciter éditeur et auteurs non seulement pour leur prouesse technique, les ressources de leur érudition et la vive clarté de leur exposé, mais surtout pour la vie intense qu’ils ont su communiquer à leur évocation. Ainsi, avec le préfacier déjà cité, nous dirions, fermant ces livres : « De ces Armées dans la mort endormies, de ces guerres oubliées, renaît la ronde hallucinante des civilisations dont se fécondent nos sols et nos cerveaux ».