Institutions internationales - La crise de l'Union de l'Europe occidentale (UEO) - « Relance » atlantique ? - Efforts et espoirs européens - L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l'inflation - La première conférence de la francophonie
La visite en Europe du Président Nixon et les conséquences psychologiques et politiques qu’elle peut avoir dans le domaine des relations internationales, la crise provoquée par ceux qui ont voulu utiliser l’Union de l’Europe occidentale (UEO) pour « forcer la main » au gouvernement français, la publication d’un nouveau mémorandum de la Commission de la Communauté économique européenne (CEE), tels sont, en ce qui concerne les institutions internationales, les faits majeurs des dernières semaines. Ils ont eu un caractère spectaculaire.
Certes, ils ne peuvent pour autant inciter à négliger les difficultés auxquelles se heurte la Conférence de Paris sur le Vietnam, ou l’opposition de M. Ceaucescu aux prétentions émises par le maréchal Yakoubowski et M. Kouznetsov lors de leur voyage à Bucarest, ou l’aggravation des rapports sino-soviétiques, etc. Mais, alors que, souvent, l’activité des institutions internationales se trouve éclipsée par l’activité des gouvernements, au long des dernières semaines, les institutions internationales se sont trouvées portées au premier rang de l’actualité – même si, à propos du Moyen-Orient, les Nations unies n’ont pu, une nouvelle fois, qu’enregistrer des explosions de violence.
La crise de l’UEO
L’Union de l’Europe occidentale a été créée par les Accords de Paris du 23 octobre 1954, comme, en quelque sorte, un substitut à la Communauté européenne de Défense (CED) qui avait été rejetée le 30 août précédent par l’Assemblée nationale française. Il s’agissait alors de mettre sur pied un système permettant le réarmement de la République fédérale allemande (RFA) tout en en limitant l’ampleur et en contrôlant les restrictions édictées. L’idée, présentée par M. Mendès-France, ministre des affaires étrangères français, à son homologue britannique Sir Anthony Eden, consistait à utiliser le cadre du Traité de Bruxelles du 17 mars 1948 (conclu entre la France, la Grande-Bretagne et les pays du Benelux), traité dirigé non plus (comme le traité franco-britannique de 1947) contre « le militarisme allemand », mais contre « toute agression ». La Conférence de Londres de septembre 1954 adopta des textes prévoyant le rétablissement de la souveraineté de la RFA, son adhésion à l’Otan, à laquelle elle fournirait 12 divisions et 1 000 avions, affectés en totalité au commandement allié intégré, en même temps qu’ils établissaient l’extension du Traité de Bruxelles à l’Allemagne et à l’Italie.
La sécurité collective établie par ces textes était plus contraignante que celle prévue par l’Otan. En effet, alors que l’article 5 du Traité de Washington prévoyait qu’« une attaque armée dirigée contre l’une des parties sera considérée comme une attaque dirigée contre tous », et que chacune d’elles « assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique-Nord », l’article 5 du texte modifié du Traité de Bruxelles dispose qu’au cas où l’une des parties sera l’objet d’une agression armée en Europe, les autres lui porteront « aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, militaires et autres ».
Mais l’UEO n’a jamais réussi à se définir véritablement entre les organisations européennes et l’Otan. Certes, les Accords de Paris comportaient en annexe :
– un protocole sur les forces de l’UEO, prévoyant des plafonds pour la contribution de chaque pays membre et comportant un engagement de la Grande-Bretagne de ne pas réduire le niveau de ses forces en Europe contre le désir de la majorité des signataires ;
– un protocole sur le contrôle des armements, qui devait être confié à une agence spécialisée, prenant acte notamment de l’engagement souscrit par la RFA de ne pas fabriquer sur son territoire d’armes atomiques, chimiques ou bactériologiques ;
– une résolution sur la production et la standardisation des armements.
Les problèmes notaires confiés à l’UEO par les Accords de Paris étaient ceux-là mêmes dont l’Otan avait la responsabilité, et l’on concevait mal, pour ne citer que cet exemple, comment les Européens auraient pu parvenir à la standardisation des armements sans avoir réalisé leur propre unification, comment, dans une organisation au sein de laquelle les États-Unis étaient prépondérants, ils auraient pu imposer le souci de leurs intérêts communs par le jeu d’une institution sans pouvoirs effectifs. En d’autres termes, sur le plan militaire, l’UEO faisait double emploi avec l’Otan, et elle restera dans l’histoire comme ayant surtout permis le réarmement de la République fédérale et son adhésion à l’Otan.
Dans le domaine politique, son activité fut jusqu’ici des plus limitées, encore que certains des rapports présentés aux sessions de son Assemblée générale aient présenté un vif intérêt. L’UEO paraissait ainsi être vouée à vivre essentiellement pour elle-même, lorsque s’aggravèrent les discussions relatives à l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun. En effet, les partisans de cette entrée, après avoir enregistré comme un fait acquis que l’opposition de la France resterait intransigeante tant que la Grande-Bretagne n’aurait pas fourni la preuve tangible qu’elle était en état, économiquement et politiquement, d’entrer dans le Marché commun et d’en accepter les règles fondamentales, imaginèrent de faire de l’UEO le creuset dans lequel les « Six » et Londres pourraient élaborer leur concertation politique – ce qui était un moyen pour « tourner » le « non » français. En d’autres termes, la concertation politique, impossible tant que la Grande-Bretagne ne faisait pas partie de la Communauté européenne, se serait déroulée hors de cette Communauté, au sein de l’UEO
Le 7 février à Luxembourg, M. de Lipkowski, secrétaire d’État aux Affaires étrangères, donna son accord pour que les pays de l’UEO confrontent davantage leurs points de vue sur certains problèmes de politique internationale, mais refusa de se voir imposer des thèmes de discussion : il ne peut être question de consultations « obligatoires » ou automatiques sur telle ou telle question. En clair, la France était prête à s’entretenir avec ses partenaires de la Tchécoslovaquie ou du Moyen-Orient, elle ne voulait pas être entraînée, en présence des Britanniques, dans un nouveau débat-fleuve sur l’opportunité d’accueillir la Grande-Bretagne dans le Marché commun. Nous ne reprendrons pas ici cette « crise » dans le détail. Le problème du Moyen-Orient avait été évoqué à Luxembourg les 6 et 7 février. M. Stewart, secrétaire d’État des Affaires étrangères et du Commonwealth, souhaitait que l’on en discutât de nouveau à Londres, lors d’une réunion spéciale du Conseil permanent. Paris comprit immédiatement le sens de la manœuvre : il s’agissait de « déborder » le Marché commun. Un accrochage s’était déjà produit à la session de Rome, où l’on avait essayé d’imposer à la France, par surprise, l’application du « plan Harmel » établissant le principe de consultations obligatoires et préalables sur les problèmes de politique étrangère. La France ne pouvait accepter d’aller plus loin que ce qui a été convenu en 1963 en matière d’échanges de vues. On rappela justement à Paris que la France avait invité à plusieurs reprises ses cinq partenaires du Marché commun à organiser une concertation politique à six : ils ont refusé ; il n’y a donc pas lieu de faire à sept ce qu’on n’a pas voulu faire à six. Au surplus, la position française était juridiquement inattaquable. L’article 4 du Traité établit la règle de l’unanimité, et toute réunion qui se tient en l’absence d’un de ses membres ne peut être considérée comme une réunion statutaire de l’UEO. Une telle réunion ayant quand même eu lieu, M. Debré, ministre des Affaires étrangères, a pu parler de « manquement grave au Traité ».
Politiquement, quels que soient les sentiments que l’on éprouve devant le « non » français à l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun, force est bien de reconnaître que c’est un problème qui doit être discuté au sein du Marché commun, et non au sein de l’UEO, à moins que l’on ne décide de transformer complètement l’une et l’autre de ces deux institutions.
« Relance » Atlantique ?
Pendant ce temps, certains problèmes de l’Otan ont fait l’objet de sérieuses discussions.
• Tout d’abord, l’analyse approfondie des résultats des manœuvres Reforger I (contraction de l’expression : Regroupement des forces américaines d’Allemagne) s’est révélée décevante. En 33 heures, 62 avions Lockheed C-141 Starlifter transportèrent du Kansas en République fédérale 5 000 officiers et soldats appartenant à la 24e Division d’infanterie US. Plusieurs unités les avaient précédés. Au total, 2 brigades motorisées – 12 000 hommes, 4 000 tonnes de matériel – et 4 escadrilles (96 appareils) de chasseurs-bombardiers McDonnel Douglas F-4 Phantom II ont traversé l’Atlantique pour participer aux manœuvres. Il s’agissait tout d’abord de rassurer les Allemands, qu’inquiète la réduction des forces américaines (220 000 h) stationnées en RFA. Il s’agissait ensuite d’éprouver l’efficacité de la doctrine des « bases doubles », la 24e Division ayant conservé d’importants points d’appui logistiques en RFA. Or il est apparu, d’une part que les délais sont trop longs, de l’autre que cette doctrine exige une suprématie aérienne que rien ne permet de croire totale, que l’efficacité du pont aérien dépend en outre des aérodromes, objectifs prioritaires de l’ennemi. Pour les Allemands, Reforger I n’a rien prouvé.
• Ensuite, Washington s’apprêterait à réviser ses relations avec Ankara, ce qui ne pourrait rester sans répercussion sur l’Otan Les manifestations anti-américaines qui ont marqué depuis l’année dernière chacune des visites de la VIe Flotte américaine dans les ports turcs ont incité les États-Unis à annuler la visite que des bâtiments de cette flotte devaient effectuer à Izmir début mars – sans pour autant annuler les manœuvres prévues au large d’Izmir et de Marmaris. En fait, les négociations relatives à la révision des accords bilatéraux qui lient les deux pays, commencées en janvier 1967 à la demande du gouvernement turc, n’ont pas abouti, et comme l’écrivait le quotidien turc Cumhuriyet : « Le problème de ne pas perdre la Turquie est posé au Département d’État américain ». C’est ainsi tout le problème du flanc sud-est de l’Otan qui se trouve posé.
• En ouvrant son voyage en Europe par Bruxelles, le Président Nixon a tenu à montrer spectaculairement l’importance qu’il accorde à l’Otan. Il n’y a eu là aucune surprise. Toutefois, deux points méritent d’être soulignés.
En premier lieu le Président Nixon, s’il n’a pas engagé de discussions sur la réalisation du partnership, a proclamé son intention de tenir davantage compte des préoccupations des Européens. Les pessimistes et ceux qui se plaisent au dénigrement systématique pourront prétendre qu’il s’agissait là de propos de circonstance, et qu’il convient d’attendre l’expression concrète de cette intention. En fait, il semble que M. Nixon ait voulu aborder les problèmes de l’Otan avec une préoccupation beaucoup plus politique que militaire. Dans l’état actuel des forces, d’ailleurs, compte tenu du déséquilibre considérable entre les forces des États-Unis et celles de leurs alliés, on n’imagine guère qu’il aurait pu en être autrement.
En second lieu, certains ont émis l’idée qu’une réorganisation pourrait intervenir, au terme de laquelle le commandement des forces alliées en Europe serait confié à un Européen, les responsabilités nucléaires restant strictement américaines. Il y aurait ainsi dissociation des deux commandements. C’est là – peut-être l’avenir nous démentira-t-il ! – une vue de l’esprit. C’est le Conseil Atlantique qui, en décembre 1950, demanda au Président Truman de désigner le général Eisenhower comme Commandant suprême des forces alliées en Europe. Il s’agissait d’un poste dont le titulaire cumulait deux fonctions : commandant des forces alliées et commandant des forces américaines en Europe. À ce second titre, son titulaire avait la responsabilité des armes nucléaires. Les Européens ont toujours demandé à être associés plus étroitement, plus organiquement, à l’élaboration de la stratégie commune, et si le commandement de l’Otan était scindé comme certains le laissent supposer, le Président Nixon irait exactement à rencontre des propos qu’il a tenus aux Européens.
• Le Président Nixon souhaite une grande négociation avec le monde de l’Est, mais il ne veut pas l’engager au seul titre des États-Unis. Il tient, si cette négociation « au sommet » s’engage, à ce que le Président des États-Unis se présente comme le porte-parole des alliés occidentaux. Peut-être y aurait-il là l’occasion, pour l’Otan, de retrouver cette fonction politique dont M. Spaak (son secrétaire général) avait souhaité qu’elle fût plus étoffée… Mais dans quelle mesure des discussions au sein d’une institution intergouvernementale peuvent-elles prendre le pas sur les discussions entre chefs d’États eux-mêmes ? Le Président Nixon peut exciper de l’Alliance, il lui est bien difficile d’exciper d’une organisation comme l’Otan, quels qu’aient été ses mérites.
Efforts et espoirs européens
La crise de l’UEO, dans la mesure où elle met en lumière la volonté de certains d’utiliser tous les moyens pour arriver à leurs fins, au nom de l’Europe mais au détriment du Marché commun, aura-t-elle des conséquences fâcheuses pour la Communauté ? Il est à prévoir que l’atmosphère des prochaines rencontres ne sera guère améliorée. Pourtant, le Président de la Commission, M. Rey, reste optimiste. Récemment encore, il citait une impressionnante liste de réalisations :
– l’union douanière a été achevée ;
– la mise en place des grands marchés agricoles, produits laitiers, viande bovine, etc. a été réalisée ;
– trois règlements très importants pour la politique commerciale commune ont été adoptés ;
– un document de base pour une politique énergétique commune a été mis au point, en partie grâce à la fusion des exécutifs ;
– le « plan Mansholt » de réforme des structures agricoles a été présenté ;
– les traités de Paris et de Rome ont été exécutés pendant les crises monétaires de l’année dernière ;
– les longues négociations avec la Tunisie et le Maroc sont pratiquement achevées, celles avec l’Espagne se poursuivent ;
– les « Six » et les 18 pays africains associés ont décidé à l’unanimité de renouveler la convention de Yaoundé qui vient à expiration ; etc.
Toutefois, l’alourdissement de l’atmosphère à Bruxelles lui paraît inquiétant : « La Communauté doit être gouvernée comme sont gouvernés nos pays. Et il est essentiel que nos autorités telles qu’elles résultent du Traité fonctionnent de façon plus efficace »… En second lieu, M. Rey s’inquiète de la résurgence des intérêts nationaux au détriment de la solidarité communautaire (ce qu’avait déploré M. Debré à propos du financement de la politique agricole commune). Enfin, la crise de l’Euratom (Communauté européenne de l’énergie atomique) est pour lui un troisième sujet d’inquiétude.
Pour les perspectives, M. Rey souligne le paradoxe qui consiste à supprimer les frontières et à n’avoir pas encore de mécanisme monétaire rapide et efficace. Il souligne l’importance du plan de renforcement de la Communauté présenté par M. Debré.
À propos des problèmes monétaires européens, une suggestion a été présentée à Bonn par M. Giscard d’Estaing : un « complément monétaire » au Traité de Rome. « On a constaté seulement après coup que la coordination pratique entre partenaires européens laissait à désirer dans le domaine monétaire et que le Traité de Rome était muet sur ce point capital. Les circonstances politiques ne permettent pas à l’heure actuelle de proposer de solutions nouvelles, mais on peut commencer à étudier un complément monétaire au Traité de Rome »…
Dans le même temps, la Commission a proposé une meilleure concertation des politiques économiques des « Six », et un soutien monétaire automatique à un pays membre en difficulté. Pour être efficace, souligne la Commission, ce nouveau dispositif de coopération devrait pouvoir être déclenché avec rapidité afin d’éviter que les pays touchés par la crise ne soient tentés d’arrêter des mesures susceptibles de remettre en question la libération des échanges à l’intérieur du Marché commun. Sans entrer dans le détail technique de ces propositions, il faut remarquer qu’elles sont moins audacieuses que ne pouvaient l’être pour les Européens de 1950 les textes donnant naissance à l’Union européenne des paiements (UEP). Il s’agit essentiellement de faire jouer de manière préventive ce « concours mutuel » qui avait été prévu par le Traité de Rome, mais seulement pour réparer les dégâts. Il s’agirait donc de prévoir l’institution de ce que l’on pourrait presque appeler un « fonds de prévoyance » à l’intention des gouvernements, ce qu’un quotidien appelait « une tirelire de secours ». Mais les positions classiques vont se redéfinir : les uns penseront qu’une telle coopération monétaire sans l’Angleterre n’a pas de sens (alors que la livre sterling, au contraire, accroîtrait les risques), les autres, par exemple l’Allemagne, penseront que cette solution aiderait la France, déjà à ses yeux bien servie dans le domaine de la Politique agricole commune (PAC), d’autres enfin, notamment la France, s’inquiéteront de la signification presque « supranationale » qu’aurait l’administration de ce dispositif d’aide mutuelle !
Quoi qu’il en soit, la crise monétaire de l’automne a suscité des réflexions et des travaux dont les gouvernements ne peuvent faire abstraction. De même qu’ils ne peuvent faire abstraction d’un fait mis en lumière par le Rapport général des Communautés pour 1968 : les écarts des prix de détail à l’intérieur du Marché commun, encore substantiels, tendent à s’atténuer. Le « phénomène Europe » pénètre dans la vie quotidienne des Européens. « Bien sûr, des différences notables subsistent encore entre certains prix pour un même produit ; mais on a assisté, en 1968, à un rétrécissement des écarts en raison de la concurrence intercommunautaire accrue, des progrès de l’industrialisation et de la rénovation, de plus en plus poussée, des structures de la distribution. Les articles chers ont vu leurs prix baisser à la consommation, tandis que les moins élevés ont augmenté, accentuant la tendance, déjà enregistrée en 1967, vers un niveau moyen »…
L’OCDE et l’inflation
Le Conseil des ministres des 22 pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) – l’essentiel des grands pays industriels – avaient, eux, à faire le point, à la recherche d’une vue d’ensemble des problèmes qu’ils rencontrent chacun chez eux. Leur première question était : a-t-on progressé depuis l’an dernier ? Un paradoxe a disparu, celui qui maintenait les taux d’intérêt plus bas aux États-Unis, pays qui perdait des réserves, que dans des pays européens, qui en gagnaient. La structure des marchés des capitaux semble, malgré des restrictions, s’être améliorée dans la mesure où Londres et New York cessent d’être presque les seuls marchés où l’on peut emprunter. L’Allemagne et l’Italie fournissent des capitaux… Mais la hausse des taux d’intérêt gêne les investissements. La très lourde fiscalité sur les bénéfices et la hausse des prix en atténuent l’impact sur les pays industriels, mais rien de tel ne joue pour le tiers-monde, qui voit ses charges s’alourdir régulièrement.
Les pays de l’OCDE rencontrent tous des difficultés liées au rythme rapide du progrès des revenus et des techniques. L’agriculture et beaucoup d’industries traditionnelles voient leur place se restreindre. La concurrence avec des entreprises de plus en plus gigantesques suscite des inquiétudes. L’énorme croissance du nombre des étudiants n’a pas été suivie par un développement égal des possibilités d’études et d’emploi. Les politiques financières sont de plus en plus tournées par le marché mondial parallèle qu’est l’euro-dollar. Etc. Ce sont des maladies de l’économie moderne.
Ministres et experts étaient réunis pour rechercher des remèdes à ces tensions de l’économie mondiale. À travers leurs réunions est apparue l’image d’une économie mondiale en plein paradoxe. La prospérité y est éclatante : on produit, on investit, on voit progresser le niveau de vie, mais en revanche les crises se succèdent, les taux d’intérêt augmentent. Cela peut-il conduire à une crise mondiale de confiance, à des faillites et à des dévaluations en chaîne ? C’est là que les avis divergent. Pour les uns, l’essentiel est de produire et « le reste » s’arrange toujours. Pour les autres, dans un organisme vivant, la tension et la fièvre ne peuvent dépasser certaines limites… Certes, la hausse des taux d’intérêt pourrait être arrêtée, en accordant de plus larges crédits, mais alors c’est l’inflation qui la remplacerait… Nous ne poursuivrons pas plus avant le rappel des travaux de cette session ministérielle de l’OCDE Au-delà des préoccupations immédiates est apparu un souci profond de ce que réservent les prochaines années. Le communiqué final l’exprime dans les termes suivants : « Le rythme rapide du progrès technique transforme les structures économiques et sociales des pays hautement industrialisés. Les effets de cette transformation s’étendent à l’agriculture et à l’industrie, à l’enseignement et à l’environnement humain. Tout en entraînant une augmentation sans précédent de la richesse et du bien-être collectifs et individuels, cette évolution crée de nouveaux problèmes qui ont des répercussions non seulement à l’échelon national, mais aussi sur le plan international »…
La première conférence de la francophonie
Nous ne saurions clore cette chronique des institutions internationales sans mentionner le succès sur lequel s’est terminée la première Conférence de la francophonie, qui s’est tenue en février à Niamey. Certes, la francophonie est difficilement assimilable à l’objectif d’une institution, au sens strict du terme, mais une organisation sera mise en place, dirigée par une Agence. Sans sous-estimer l’absence de l’Algérie et de la Guinée, celle de la Mauritanie et de la Suisse, tous les participants insistèrent sur l’ampleur du rassemblement réalisé sur les rives du Niger. Pour les uns et les autres, le fait qu’une trentaine d’États aient accepté de se faire représenter à ces premières assises mondiales de la francophonie prend valeur d’événement. L’unanimité réalisée autour de la plupart des projets étudiés est également considérée comme un succès. Cette conférence concrétisait une idée lancée il y a cinq ans par le Sénégalais M. Léopold Sedar Senghor, et approuvée peu après par le Tunisien M. Habib Bourguiba… La langue a toujours représenté un des grands facteurs de la cohésion des collectivités humaines – qu’eut été le Commonwealth sans la langue anglaise ? Qu’après les remous et les inévitables difficultés nés de la transformation des liens entre la France et les pays qui lui étaient soumis, ces derniers aient pris l’initiative d’un regroupement fondé sur la langue, voilà qui mérite attention, et qui devait être souligné ici. ♦