Aéronautique - Quelques nouvelles de l'aviation commerciale - Le Salon de Hanovre et l'industrie aéronautique allemande - L'intervention soviétique au Moyen-Orient
Quelques nouvelles de l’aviation commerciale
Les principaux événements qui ont marqué l’aviation commerciale ces derniers mois concernent d’une part, le matériel avec la mise en service du Boeing, quadriréacteur à grande capacité et d’autre part, le trafic avec l’ouverture d’une nouvelle route aérienne Paris-Tokyo par la Sibérie. L’exploitation du premier Jumbo jet (Boeing 747) par les grandes compagnies américaines d’abord, puis européennes ensuite (Air France, Lufthansa) a déjà fait couler beaucoup d’encre autour des problèmes technico-commerciaux relatifs à la rentabilité liée aux taux de remplissage et à la durée de l’immobilisation aux escales. Il faut également mentionner l’accroissement des délais de décollage à ménager après le départ des Boeing 747 et la nécessité de la séparation en altitude pour éviter des accidents provoqués par le sillage de ceux-ci. En dépit des incidents qui ont accompagné leur mise en exploitation, il ne semble pas qu’il y ait de difficultés de pilotage même si, actuellement, la BOAC (British Overseas Airways Corporation) est obligée de suspendre provisoirement la mise en service de ses Boeing 747 par suite des exigences du personnel navigant technique qui réclame la présence à bord de 3 pilotes au lieu de 2 prévus par la compagnie. Sur le plan économique, l’exploitation aux États-Unis de ces appareils à grande capacité entraîne une chute du taux d’occupation des autres avions de ligne, ce qui devrait se traduire, à brève échéance, par une réduction de la périodicité des liaisons sous peine de compromettre l’équilibre financier des compagnies, déjà bien souvent précaire.
La route aérienne Paris-Tokyo par la Sibérie représente un gain de temps non négligeable par rapport à celle passant par le Pôle Nord, qui, jusqu’à maintenant, était la route la plus courte normalement desservie.
Air France et Japan Air Lines (JAL) sont les premières compagnies bénéficiaires des accords passés avec l’URSS qui marque ainsi son désir de renforcer sa pénétration dans le monde commercial occidental. Bien qu’exploitant déjà la liaison Tokyo-Moscou conjointement avec l’Aeroflot, les JAL n’étaient pas autorisées au survol de la Sibérie. C’est donc la première fois qu’est entrepris un vol à long rayon d’action à horaire fixe sur un territoire gardé jalousement secret. Les premiers enseignements tirés du vol inaugural par Douglas DC-8 font état du sous-équipement radioélectrique qu’il sera nécessaire d’améliorer si le trajet sibérien doit devenir une route aérienne fréquentée par le trafic international.
L’étroit corridor est bordé par des espaces aériens strictement interdits et le trafic s’écoule sous la direction rigide de stations radar à longue portée dont la position n’est pas connue. En dépit de sa largeur portée à 10,5 milles nautiques, la route transibérienne est encore trop étroite car insuffisamment balisée. En effet, il n’existe que 2 VOR (radiobalise d’alignement), l’un à Moscou, l’autre sur la côte Est, les autres moyens de navigation consistant en 22 balises moyenne fréquence dont seulement 7 sont directement sur la route.
Leur portée permet un recoupement acceptable uniquement de jour car, de nuit, les variations de propagation en réduisent fortement les performances. De plus, il existe en certains lieux des variations brutales de la déclinaison qui atteignent 22°. Si l’on ajoute que, seuls deux déroutements sont autorisés (Khabarovsk à 150 km au sud de la route et Novosibirsk environ à mi-trajet mais à 600 km de la route avec points imposés d’altération de cap) et que les informations sur le service de recherche et sauvetage sont fragmentaires, il apparaît nécessaire de renforcer les moyens de navigation à bord. Les JAL utilisent un Doppler, Air France une centrale à inertie et l’Aeroflot le Decca et un navigateur.
Le trafic radio s’effectue en anglais avec un effort certain de la part des Russes pour respecter les règles OACI (Organisation de l’aviation civile international) bien qu’ils ne fassent pas partie de l’organisme international. Il semble toutefois que la réception soit mauvaise par suite de la qualité du matériel au sol ou de l’utilisation de laryngophones. Enfin il est probable qu’en cas de détresse, le vocabulaire purement aéronautique des contrôleurs russes serait un handicap certain. C’est la raison pour laquelle Air France prendra pendant environ 6 mois un observateur à bord pour servir d’interprète. L’insuffisance du balisage et la tranche trop mince d’altitude réservée aux vols occidentaux représentent des obstacles au développement de cette nouvelle route. BOAC prochainement et SAS (Scandinavian Airlines System) dans un an, survoleront à leur tour la Sibérie. La fréquentation de l’axe Moscou-Tokyo demeure pourtant encore limitée car ce trajet s’écarte des centres touristiques du Moyen-Orient, des Indes et du Sud-Est asiatique et paraît convenir essentiellement aux liaisons d’affaires dont le développement est subordonné au démarrage des relations commerciales russo-américaines.
La Salon de Hanovre et l’industrie aéronautique allemande
Le 8e salon de Hanovre, qui vient de fermer ses portes, témoigne amplement du développement de l’industrie aérospatiale en Allemagne, laquelle est en passe de devenir le 3e grand européen en la matière.
La raréfaction des projets importants et la réputation du salon du Bourget constituent un handicap non négligeable pour les autres meetings qui sont contraints de rechercher une certaine spécialisation afin d’attirer un public suffisant. Le caractère national de l’« Air display » de Farnborough permet à Hanovre d’accueillir de nombreux exposants étrangers qui, tentés par l’essor économique allemand, y voient une occasion de conclure de nouveaux contrats sur un marché en pleine extension. C’est ainsi que pour 1970, 357 exposants venant de 12 pays présentent les réalisations de 424 sociétés. À côté des 137 exposants allemands, les délégations étrangères les plus importantes viennent de Grande-Bretagne (72 stands), des États-Unis (68) et de la France (56). Pour la première fois, l’URSS est présente avec en particulier le Yakovlev Yak-40.
Ce salon, tout en présentant les programmes menés en coopération avec l’étranger, a pour thèmes principaux l’aviation générale jusqu’à la taille du transport de 3e niveau (transport d’appoint) et surtout le décollage vertical qui suscite en Allemagne des projets extrêmement ambitieux.
Malheureusement, les deux vedettes de cette double orientation firent faux bond au dernier moment et ne vinrent pas. Le Fairchild-Swearingen Metroliner de la firme de San Antonio est le plus gros « executive » au monde, pouvant rapidement être transformé en transport d’appoint (20 passagers, cargo ou mixte) ; bi-turbopropulseur d’un prix de vente voisin de 3,50 MF il a déjà été commandé à 50 exemplaires par 14 compagnies. Dans le domaine de décollage court, l’absence du Dornier Do 31 a été très remarquée d’autant plus que l’appareil s’était rendu au Bourget par ses propres moyens en 1969. Néanmoins, ce salon a permis à la République Fédérale d’exposer les principales réalisations et projets de ses trois grands groupes aéronautiques et de son motoriste de classe internationale.
Messerschmitt-Bolkow-Blohm (MBB), ce groupe, le plus important d’Allemagne avec des noms prestigieux est de création récente visant en partie à obtenir le contrat MRCA (Multi Role Combat Aircraft). Depuis la guerre, chaque associé, séparément, a repris son activité le plus souvent en coopération avec l’étranger (Nord 2501, Lockheed F-104G Starfighter, Fiat G.91, Fokker, Transport Allianz C-160 Transall).
Les trois principaux programmes en cours sont : MRCA-1975 en liaison avec la Grande-Bretagne et l’Italie, Airbus A300 B franco-allemand, Eurotrainer, avion d’entraînement en coopération avec SNIAS (Société nationale industrielle aérospatiale). Le projet EWR VJ 101C, appareil de combat Mach 2 capable de décollage et atterrissage vertical, a été abandonné malgré les excellents résultats des premiers vols.
Le biréacteur d’affaires HFB 320 Hansa jet va atteindre une production de 50 exemplaires et va voir ses performances améliorées par l’adoption de réacteurs à double flux (HFB 330). Dans le domaine du transport à décollage vertical, MBB étudie le projet HFB 600 équipé de réacteurs de sustentation et le MBB-BO 140 à ailes basculantes.
Dans le domaine des voilures tournantes, la réalisation la plus marquante est le MBB Bölkow 105, à rotor rigide avec tête de rotor en titane et pales en plastique armé de fibre de verre. Boeing-Vertol très intéressé, participe à l’expérimentation.
Dornier demeure une affaire de famille aux conceptions originales. Après la construction en série (600 exemplaires) d’un petit monomoteur à décollage court, le Dornier Do-27, Dornier a lancé la production d’un bimoteur dérivé du Do-27, le Do-28 suivi du Skyservant qui connaît un rapide développement tant en Allemagne (125 unités pour la Bundeswehr) qu’à l’étranger.
Partisan du décollage vertical, Dornier a opté pour la formule des réacteurs de sustentation sur le Do-31 avec l’appui de la NASA. Son objectif particulièrement ambitieux est la réalisation d’un appareil de transport le Do-231 qui correspondrait aux spécifications de la Luftwaffe et de la Lufthansa. Le Do-231 serait muni de 12 réacteurs verticaux Rolls-Royce RB 202 de 5,9 t chacun de poussée, tandis que la propulsion horizontale serait fournie par 2 double-flux RB 220 (10,8 t de poussée chacun). Les réacteurs verticaux sont installés à raison de 4 par nacelle dans chaque plan, et 4 dans le fuselage, 2 à l’avant, 2 à l’arrière. Ces réacteurs sont orientables, 10° vers l’avant, 30° vers l’arrière et permettent de contrôler l’appareil en jouant sur la poussée et l’orientation.
En matière d’hélicoptère, après une expérimentation du Do-32 à rotor entraîné par des tuyères en bout de pales, Dornier développe le Do-132, intéressant par la suppression de liaison mécanique entre le moteur et le rotor. Est également à l’étude, une extension de cette formule pour un hélicoptère grue de 75 tonnes, le Peugeot P406 utilisant 3 générateurs de gaz de 18 000 CV chacun.
Tout en participant au projet Airbus, Dornier collabore directement avec Dassault au programme d’avion d’entraînement Alphajet, concurrent de l’Eurotrainer. Dû à la fusion de deux projets antérieurs (P375 pour Dornier et Br 126 de Breguet) le biplace Alphajet, biréacteur à aile haute, présente des solutions aérodynamiques déjà éprouvées. Deux types de réacteurs ont été retenus : le Général Electric J-85 GT4 de 1 340 kg de poussée et le Larzac français en cours de mise au point.
VFW-Fokker-VFW (Vereinigte Flugtechnische Werke) est né en 1963 de la fusion de Weserflug avec Focke-Wulf renforcée en 1965 de Heinkel.
Constructeur du Transall, VFW s’est signalé par la mise au point de l’avion de combat à décollage vertical VAK 191-B équipé de deux réacteurs de sustentation RB 193 dont la production en série a été d’ores et déjà abandonnée. Promis à un meilleur avenir, encore que connaissant un démarrage très lent, le petit biréacteur de transport VFW 614 est de conception classique à l’exception des réacteurs placés en nacelles à la partie supérieure des ailes. Le VFW 614, dont le prototype doit voler en 1971, a vu le jour dans l’optique du remplacement du DC-3. Offrant 40 à 45 sièges, il doit recevoir deux réacteurs M45 H en cours d’études par Rolls-Royce et la Snecma. Si le Yak 40 est effectivement commercialisé, l’appareil russe sera un concurrent redoutable grâce à son prix de vente qui serait inférieur de 50 % à celui du VFW 614 (12,4 MF). VFW vient d’intervenir dans la compétition pour le programme franco-allemand d’avion d’entraînement en présentant le projet T291, biréacteur léger à aile haute qui semble avoir peu de chances de l’emporter. Par contre il pourrait intéresser la Grande-Bretagne ou l’Italie.
La technique du décollage vertical a également tenté VFW qui étudie un quadripropulseur de transport à 2 ailes basculantes, le VC 400 ainsi qu’une version supérieure le VC 500 qui pourrait emporter 10 tonnes à 750 km/h.
Dans le cadre du concours Vertibus, VFW s’intéresse au VC 180 utilisant deux ensembles indépendants de réacteurs pour la sustentation et la propulsion (3 doubles flux de 7,7 t de poussée, 10 RB 202-25 de 9,3 t de poussée) et pouvant transporter 130 passagers. Une version ultérieure le VC 181 comporterait 16 moteurs, dont 4 pour la propulsion pouvant pivoter et participer à la sustentation.
Dans le domaine des hélicoptères, VFW a deux programmes en cours, le H3 et le H5.
MTU – Motoren und Turbo Union – résulte de la fusion de Daimler-Benz et MAN spécialiste du Diesel et a vu le jour le 1er janvier 1970.
MTU participe au développement du RB 199 qui doit équiper le futur MRCA-1975, coopère au RB 193 qui équipe le VAK 191B. Le turbomoteur MTU 6022 actionne l’hélicoptère Bo-105. MTU a une activité importante axée sur la construction sous licence et la grosse maintenance : GE 579 des F-104, Rolls-Royce Tyne du Transall, GE T64 pour les Sikorsky CH53-D, GE CF6 qui équipera l’Airbus, Lycoming de tous types.
En dépit de ces projets grandioses et ambitieux, ce salon demeure celui de l’aviation générale où les exposants étrangers ont pu prendre conscience de la volonté de l’industrie allemande de conquérir une place de choix par des réalisations de pointe au cours des années 1970.
Plus de 150 000 visiteurs et d’importants contrats de vente, tel est le bilan de ce salon 1970 à Hanovre. Gageons qu’en 1972, l’Allemagne fera un effort encore plus grand pour favoriser le développement de son industrie aérospatiale dont le potentiel ne cesse de croître.
L’intervention soviétique au Moyen-Orient
La participation de pilotes soviétiques à la défense aérienne en Égypte risque de conduire à l’escalade dans le conflit israélo-arabe.
Selon des rumeurs plus ou moins fondées, l’URSS aurait envoyé en Égypte des pilotes qui seraient chargés de protéger le territoire égyptien contre les incursions aériennes israéliennes. Le matériel consisterait en un certain nombre de Mikoyan-Gourevitch MiG-21J, aux performances supérieures à celles du Dassault Mirage IIIC, qui pourraient intervenir à partir de quatre bases situées à proximité du Caire. Le renforcement de la défense aérienne serait complété par des batteries de missiles sol-air SA-3 Goa supérieurs aux SA-2 Guideline déjà en place et sans doute mis également en œuvre par du personnel soviétique.
Il en résulte une modification sensible de la situation :
– Israël se voit dans l’obligation de suspendre ses raids en profondeur en territoire égyptien sous peine de confrontation directe avec des Soviétiques ;
– L’Égypte, soulagée de sa protection interne, peut concentrer sa puissance aérienne et terrestre face au Sinaï.
Toutefois, pour l’instant, on ne connaît pas exactement en quoi consiste l’engagement soviétique : protection limitée aux villes et sites stratégiques ou étendue à tout le territoire, participation éventuelle aux actions offensives. L’anxiété est grande chez les Israéliens qui considèrent le MiG-21C comme supérieur au Mirage et au McDonnell Douglas Phantom F-4E.
Jusqu’à l’arrivée des derniers MiG-21J, les forces aériennes israéliennes, en dépit de leur infériorité numérique, disposaient pratiquement de la maîtrise du ciel.
Israël ne manque pas de faire ressortir cette nouvelle situation en vue d’obtenir des Américains 25 F-4 et 100 Douglas A-4 Skyhawk qui viendraient s’ajouter à la cinquantaine d’avions de chaque type déjà accordés.
Les dix derniers F-4 à être livrés seront dotés de collimateurs optiques pour le combat aérien, qui n’étaient pas montés sur les autres exemplaires destinés à l’attaque au sol.
Pour compenser l’embargo français, Israël a entrepris le montage de réacteurs General Electric J79 (rechanges des F-4) sur les Mirage IIIC et serait décidé à construire ses propres appareils (du genre Mirage F-5) à partir de plans obtenus grâce à son réseau d’espionnage. ♦