Maritime - Marine française : mise à l'eau de la frégate Tourville : La Force océanique stratégique (Fost) - Royal Navy : nouveau destroyerlance-missiles ; L'affaire de Malte - États-Unis : lancement du porte-avions nucléaires Chester Nimitz - Otan : le polygone acoustique des Açores
Marine français
Mise à flot de la frégate Tourville
L’événement le plus important de ces dernières semaines a été sans conteste la mise à flot, le 13 mai 1972, dans la grande forme de Lorient, en présence de l’amiral Chef d’état-major de la Marine (CEMM) – l’amiral Marc de Joybert –, du Tourville, première unité d’une série de trois frégates inscrites à la 2e loi d’équipement militaire couvrant la période 1965-1970. Mis en chantier le 21 février 1968, ce bâtiment doit entreprendre ses essais officiels au début de l’an prochain et en principe rallier la flotte en 1974.
La 2e frégate, le Duguay Trouin est actuellement en construction dans la même forme ; elle sera mise à flot en 1973. Les premiers éléments du 3e bâtiment qui portera le nom de De Grasse ont été mis sur cale à la place du Tourville.
La seconde loi d’équipement militaire prévoyait la construction de cinq corvettes de 3 500 tonnes du type C-65 dont le prototype devait être l’Aconit. Lancé en mars 1970, ce bâtiment poursuit actuellement ses essais. Ce navire inspiré des escorteurs américains du type Knox ne répondant pas tout à fait à la menace sous-marine qui entre-temps avait largement évolué, il fut décidé de lancer la construction de trois escorteurs d’un nouveau type à la place des quatre C-65 qui restaient à construire. Ces bâtiments ce sont les Tourville que la Marine a décidé de reclasser dans la catégorie des frégates en raison de leur déplacement très proche de celui des frégates lance-missiles Suffren et Duquesne. Les Tourville présentent les caractéristiques suivantes :
• déplacement : 5 500 t en pleine charge ;
• appareil propulsif : 4 chaudières multitubulaires, dissymétriques à fonctionnement automatique, timbrées à 45 bars, vapeur surchauffée à 450 °C – 2 groupes de turbines développant au total 54 400 CV. Vitesse : 31 nœuds.
• armement :
– missiles : 6 MM38 Exocet antisurface
– artillerie : 3 tourelles simples de 100 à double usage (60 coups/minute par pièce)
– ASM :
- 1 système Malafon
- 2 hélicoptères du type WG-13 franco-britannique équipés de moyens de relocalisation et de classification d’un contact et d’armes ASM, ces hélicoptères pouvant être le cas échéant gréés en anti-surface.
- torpilles ASM
• équipement de détection :
– 1 radar de veille air éloignée.
– 1 radar de veille combinée,
– 1 radar de tir,
– 1 radar de navigation,
– 1 radar d’appontage,
– 1 sonar remorqué basse fréquence.
– 1 sonar d’étrave basse fréquence.
• équipage : 303 hommes dont 25 officiers.
Schéma des frégates classe Tourville (extrait des Flottes de Combat d’Henri Le Masson - Éditions maritimes et d’outre-mer).
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Tourville |
Bristol |
Spruance |
Kresta II |
Déplacement pleine charge |
5 500 t |
6 750 t |
7 000 t |
7 000 t |
Longueur |
152,75 m |
154,60 m |
167,64 m |
158 m |
Appareil propulsif |
Turbines à vapeur développant 54 400 CV - 2 hélices |
2 turbines à vapeur + 2 turbines à gaz développant au total 76 600 CV - 2 hélices - 30 nœuds |
4 turbines à gaz développant 80 000 CV au total - 2 hélices - 30 nœuds |
2 turbines à vapeur développant 100 000 CV - 2 hélices – 34 nœuds |
Distance franchissable en nautiques/vitesse |
5 000 Nq / 18 nœuds |
5 000 Nq / 18 nœuds |
6 000 Nq / 20 nœuds |
4 500 Nq / 18 nœuds |
Armement : |
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ASM : |
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Hélicoptères |
2 type WG13 Lynx |
Néant |
2 type LAMPS |
1 Hormone |
Sonars : |
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NOTA : Le système Ikara qui équipe le Bristol est semblable à notre Malafon ; il comprend donc une torpille ASM associée à un planeur propulsé par fusée ; sa portée est d’environ 20 000 yards. L’hélicoptère Hormone des Kresta II n’est pas ASM ; doté d’un système « Video Data Link », il permet de lancer les missiles surface-surface au-delà de l’horizon radar.
À vocation à la fois anti-surface et anti-sous-marine, avec une très bonne capacité d’autodéfense aérienne, les trois unités de la classe Tourville sont en fait de véritables petits croiseurs, qui ne le cèdent en rien, comme le montre le tableau ci-dessus, aux bâtiments similaires des marines étrangères en service, en construction ou en projet. Ils constitueront d’excellents bâtiments de commandement pour les futures flottilles de corvettes du type C-70 Georges Levgues dont nous avons parlé dans notre précédente chronique et qui seront d’un modèle intermédiaire entre l’Aconit et les Tourville.
Le nom de celui qui fut peut-être le plus grand des marins de notre pays, mais sûrement le plus grand de son époque, a été jusqu’ici attribué à six bâtiments, l’avant-dernier en date étant un cuirassé de 29 000 t armé de 16 pièces de 340 en quatre tourelles quadruples dont la construction à cause de la guerre 1914-1918 ne fut pas entreprise et le dernier un croiseur de 10 000 t datant de 1928 qui prit part au dernier conflit ainsi qu’aux opérations en Indochine.
La Force océanique stratégique (Fost)
Créée par décision du ministre d’État chargé de la Défense nationale, la Fost constitue le second volet de la force nucléaire stratégique de notre pays, le premier étant constitué par les Forces aériennes stratégiques (FAS) celles-ci comprenant les avions Dassault Mirage et les missiles du plateau d’Albion.
Le commandant de la Fost est directement responsable vis-à-vis des hautes autorités gouvernementales et du Chef d’état-major des armées de tout ce qui concerne l’emploi et la sûreté des Sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE). Relèvent de la Fost les SNLE ainsi que les organismes concourant directement à leur commandement et à leur soutien.
Elle comprend donc :
– Les SNLE admis au service actif, constitués en une escadrille de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE).
– La base opérationnelle de la Fost dont les installations sont réparties autour de la rade de Brest.
– Le PC de l’amiral commandant la Fost, situé à Houilles (Yvelines).
– La station d’émission de Rosnay.
La base opérationnelle de la Fost est un organisme complexe qui regroupe toutes les installations concourant au soutien des SNLE. Elle se compose notamment :
– des installations situées à Brest, aux Roches Douvres où s’effectuent l’instruction, l’entraînement et l’hébergement des équipages des SNLE et qui ont donc une mission de soutien des sous-marins nucléaires, en personnel.
– des installations de l’Île Longue qui concourent à la remise en condition, à l’entretien et au support matériel, des sous-marins nucléaires. Ces installations sont placées sous l’autorité du commandant de l’Île Longue.
Le commandant de la base opérationnelle de la Fost exerce personnellement le commandement de l’escadrille des SNLE. Il a pour subordonnés directs le commandant du centre de Roches-Douvres et le commandant de l’Île Longue. Il relève directement de l’amiral commandant la Fost.
Sous l’autorité de l’amiral commandant la Force océanique stratégique (Alfost), le commandement des sous-marins d’attaque est exercé par un officier général adjoint qui reçoit le titre d’amiral commandant les sous-marins d’attaque.
Les escadrilles des sous-marins de la Méditerranée et de l’Atlantique relèvent directement de ce commandement.
Royal Navy
Nouveau destroyer lance-missiles
Le plus grand destroyer lance-missiles de la Royal Navy effectue actuellement ses essais. Il s’agit de l’HMS Bristol qui est le seul construit d’une série de huit bâtiments, dite du type 82, conçue à l’origine pour escorter les porte-avions de 50 000 t de la classe Furious que la Royal Navy comptait commander, projet qui a été abandonné lorsque les Travaillistes sont arrivés au pouvoir en 1964. Les caractéristiques du Bristol sont rappelées dans le tableau ci-dessus comparant le Tourville aux unités étrangères similaires.
L’affaire de Malte
On peut maintenant faire le point précis de l’affaire de Malte, définitivement réglée par l’accord anglo-maltais du 26 mars 1972.
À la suite de la dénonciation intervenue en fin 1971 des accords anglo-maltais régissant la présence militaire britannique dans l’île de Malte, l’évacuation des forces anglaises a été totale ; seuls demeuraient à Malte à la date du 31 mars dernier une trentaine de militaires, dont le « Flag Officer Malta » et son état-major.
Environ 4 500 hommes, deux escadrilles d’avions de reconnaissance et 42 000 t de matériel ont été retirés de l’île entre le 1er janvier et le 31 mars 1972.
Les effectifs que les Britanniques sont autorisés à réinstaller à Malte conformément à l’accord du 26 mars, conclu pour une durée de sept ans, seront sensiblement les mêmes que ceux qui ont été évacués. Ce retour s’effectuera de façon progressive et moins rapidement que l’évacuation. Le premier contingent qui sera ramené le 7 juillet est le commando des Royal Marines qui avait été le dernier à quitter l’île sur le Bulwark le 28 mars dernier. Le gros des troupes reviendra en septembre et en octobre. Les familles suivront dès la réouverture des écoles et l’aménagement des installations sanitaires.
Les deux escadrilles d’avions de reconnaissance de type Hawker Siddeley Nimrod et English Electric Canberra reviendront prochainement de Chypre et de Sicile pour être de nouveau basées sur Luqa.
D’une façon générale, l’installation militaire britannique à Malte sera rationalisée et simplifiée. Beaucoup de terrains et de bâtiments précédemment utilisés seront remis aux autorités maltaises, mais ne pourront être utilisées par les forces du Pacte de Varsovie.
Enfin, il est prévu, au cours des dernières années de l’application de l’accord, une réduction échelonnée de la présence militaire britannique qui sera finalement ramenée à 1 800 hommes. Il en sera de même pour le personnel maltais utilisé par les forces anglaises dont le nombre diminuera en même temps que celui des effectifs.
États-Unis : lancement du porte-avions nucléaire Chester Nimitz
Le CVN68 Chester Nimitz qui est le deuxième porte-avions d’attaque à propulsion nucléaire de l’US Navy a été mis à l’eau le 13 mai à Newport News en Virginie. Déplaçant 95 000 t, il est le plus grand navire de guerre du monde. Il doit être achevé en septembre 1973 et entrer en service durant l’année 1974. Son coût est estimé à 606 millions de dollars (3 030 MF). Un second bâtiment du même type, le CVN69 Dwight Eisenhower, est en construction aux mêmes chantiers. Ces bâtiments présentent sur le plan propulsif une considérable amélioration par rapport à l’appareil moteur du premier porte-avions nucléaire le CVAN65 Enterprise. Alors que sur ce bâtiment la vapeur envoyée aux turbines est produite par huit réacteurs, les Nimitz n’auront besoin que de deux réacteurs pour fournir la même puissance, soit 360 000 CV environ, ce qui permettra à ces porte-avions de dépasser 33 nœuds. Leur autonomie sera améliorée par rapport à celle de l’Enterprise car le cœur des réacteurs aura une durée de vie de treize ans. Longs de 326,50 m et larges de 76,8 m au pont d’envol, ces bâtiments pourront mettre en œuvre une centaine d’aéronefs répartis en six flottilles des types Grumman F-14 Tomcat pour l’interception, Grumman A-6 Intruder et LTV A-7 Corsair II pour l’attaque : ils embarqueront une flottille équipée du nouveau bimoteur ASM Lockheed S-3A Viking.
Dans l’Otan : le polygone acoustique des Açores
Le polygone acoustique fixe des Açores a été inauguré le 19 mai 1972. Destiné à améliorer la connaissance de la propagation acoustique sous-marine il est le fruit de la collaboration de huit pays : Portugal, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Canada, Allemagne fédérale (RFA), Italie et Pays-Bas.
Situé à quelques nautiques dans l’Ouest de l’île Santa-Maria il comprend trois terminaux sous-marins formant grossièrement un triangle équilatéral d’environ 18 nautiques de côté. Ils ont été appelés « November » (pour Nord), « Sierra » (pour Sud) et « Echo » (pour Est) ce dernier étant à environ 10 Nq de la côte. Sur le fond de chacun de ces emplacements est montée une tour porte-antenne qui est connectée, individuellement, à un laboratoire à Santa-Maria par un câble sous-marin multiconducteurs. La station « Echo » peut émettre et recevoir : les deux autres terminaux sont utilisés en réception seulement. La profondeur au site « Echo » est d’environ 600 m, à « Sierra » de 750 m et à « November » de 300 m : entre les sites la vallée atteint 3 000 m.
Il y a une 4e installation sous-marine : c’est une bouée océanographique qui est immergée à environ 60 m : son rôle est de surveiller l’environnement sous-marin.
Deux étés ont été nécessaires à une équipe internationale pour réaliser cette installation. Ce fut un travail particulièrement difficile et délicat qui a fourni l’occasion de « premières » dans le domaine des antennes acoustiques, des mécanismes immergés, des câbles sous-marins et des mises en place en eau profonde. Trois navires français ont participé aux différentes opérations :
– le Terebel qui est doté d’une coulisse à amortissement dynamique pour descendre en eau profonde des charges lourdes et d’un système de positionnement dynamique contrôlé par calculateur qui lui permet de stationner en un point fixe de la surface de l’océan ;
– le câblier Marcel Bavard ;
– le François Blanc qui fut utilisé comme bateau-base pour le personnel de la seconde campagne d’été.
L’industrie française a d’autre part largement contribué aux équipements électroniques desservant le polygone. ♦