Défense dans le monde - États-Unis : incidences des accords SALT et de la guerre du Vietnam sur le budget de la défense - Grande-Bretagne : les bases britanniques dans le monde - Chypre : à la recherche d'une solution - URSS : le sommet de Moscou ; le voyage du maréchal Tito - Japon : la restitution d'Okinawa
États-Unis : incidences des accords SALT et de la guerre du Vietnam sur le budget de la défense
Depuis la présentation du projet de budget 1972-1973, le 24 janvier 1972, deux événements importants : la signature à Moscou d’un premier traité sur la limitation des armements stratégiques (SALT) et la recrudescence du conflit vietnamien, ont remis en cause les prévisions de dépenses militaires.
À la suite des prises de position du sénateur McGovern, candidat à l’investiture du parti démocrate, et des récentes déclarations du secrétaire à la Défense, M. Laird, il apparaît intéressant de confronter les thèses de l’Administration et celles de l’opposition concernant les incidences des deux événements en question sur le budget de la Défense.
A. — Répondant incontestablement à l’attente d’une fraction croissante de l’opinion, l’opposition a tiré parti des circonstances et de la période préélectorale actuelles pour demander qu’une part des crédits militaires soit affectée à la solution des problèmes intérieurs. Il ne s’agit certes pas là d’une idée nouvelle ; le sénateur Mansfield réclame périodiquement que des économies soient réalisées par le rapatriement de forces stationnées outre-mer. Mais la conclusion du traité sur la limitation des armements stratégiques défensifs et les perspectives de désengagement au Vietnam ont fourni aux opposants à la politique du Pentagone des arguments plus convaincants : ils ont fait valoir que l’amélioration de l’arsenal stratégique offensif, dont le niveau actuel a une valeur dissuasive plus que suffisante, constitue un gaspillage inutile de crédits puisque le plafond fixé aux Missiles antibalistiques (ABM) par le traité enlève aux Soviétiques tout espoir d’intercepter la riposte américaine à une agression nucléaire ; par ailleurs, selon eux, le succès de la vietnamisation dont se targue le président Nixon et le rapatriement en cours des derniers soldats américains d’Indochine devraient se traduire par des économies importantes. Alors que jusqu’à présent les propositions du sénateur Mansfield au Congrès n’avaient connu que des échecs, le succès remporté par le sénateur McGovern aux élections primaires du 6 juin a donné du poids aux thèses en question. Le candidat à l’investiture démocrate soutient, démonstration chiffrée à l’appui, que des mesures telles que la révision des programmes de développement des forces stratégiques, le retrait d’environ 170 000 hommes d’Europe, une évacuation immédiate et inconditionnelle des troupes américaines encore au Vietnam permettraient de réduire d’un tiers le budget de défense, limitant celui de l’année 1972-1973 à 54,8 milliards de dollars, sans que la sécurité des États-Unis en soit affectée.
B. — Le président Nixon en personne, dans le message qu’il a adressé au Congrès le 13 juin pour présenter les accords de Moscou, a fait connaître le point de vue de son gouvernement. Après avoir souligné que le succès des négociations devait être attribué à la force de la position stratégique américaine, il a déclaré que seule la poursuite des efforts dans le domaine des armements offensifs permettrait « de préserver la sécurité des États-Unis et inciterait les Soviétiques à conclure des accords de limitation d’armements plus complets et plus durables ».
Le secrétaire à la Défense, M. Laird, plus catégorique encore, a accusé le sénateur McGovern de « hisser le drapeau blanc de la reddition » : il admet, que la limitation des ABM à deux sites au lieu des quatre prévus permettra d’économiser 550 millions $ sur le budget 1972-1973 et 9 Md au total jusqu’en 1981 ; par contre, il estime indispensable de maintenir les crédits proposés pour les armes stratégiques offensives, en augmentation de 1,2 Md$ sur ceux de l’exercice précédent. Ces crédits comprennent notamment 942 M$ pour le projet Trident de missiles à longue portée lancés par des sous-marins en plongée (ULMS) et 445 M$ pour le développement du bombardier supersonique Rockwell B-1 Lancer qui doit remplacer le Boeing B-52 Stratofortress à la fin de la décennie.
Quant au coût de la guerre du Vietnam, le président Nixon ne manque pas de faire remarquer qu’il est passé de 22 Md$ sous la précédente administration à 7 Md$ pour l’exercice en cours. Toutefois, la récente offensive nord-vietnamienne entraîne des frais imprévus et, pour y faire face, le Département de la Défense (DoD) envisage de demander un crédit supplémentaire de 3 à 5 Md$ suivant que la situation actuelle se prolongerait jusqu’à la fin du 3e ou du 4e trimestre ; à l’appui de cette demande, M. Laird a précisé qu’au cours des dix premières semaines de l’invasion du Sud-Vietnam, la consommation en munitions a coûté 400 M$ à son département, et le matériel perdu par les armées sudistes à peu près la même somme. Pour rééquiper leurs alliés sud-vietnamiens, les États-Unis doivent leur consentir, à court terme, une augmentation substantielle de l’aide militaire, sans préjudice, à plus long terme, au cas où un arrêt des hostilités interviendrait, des fonds qui seraient consacrés à la « reconstruction » des pays d’Indochine.
Les prévisions de dépenses du DoD s’élèvent ainsi à un total jamais atteint sous la précédente Administration, même en 1968-1969 quand l’engagement américain au Vietnam était à son maximum et qu’aucun accord sur la limitation des armements n’était en vue. Alors que le sénateur McGovern voit son audience croître grâce à son programme de réduction des dépenses militaires, le président Nixon montre la force nécessaire pour demander au contribuable américain, en cette période préélectorale, des sacrifices supplémentaires en faveur de la défense. Sa ferme attitude devrait lui valoir le soutien du grand nombre de citoyens pour lesquels l’honneur et la sécurité des États-Unis passent avant toute autre considération.
Grande-Bretagne : Les bases britanniques dans le monde
Dans l’Atlantique
En y incluant Gibraltar, les Britanniques disposent dans l’Atlantique de 7 installations implantées sur des territoires de souveraineté britannique : points d’appui navals et escales aériennes à Gibraltar, aux Bermudes, et aux Bahamas, escales aériennes à Antigua au Honduras britannique et dans l’île de l’Ascencion et point d’appui naval aux Kalklands. Deux seulement de ces installations (Gibraltar et le Honduras) ont en outre une garnison de l’armée de terre britannique.
Ce réseau est complété, d’une part, par les facilités que le Portugal accorde à la Grande-Bretagne aux Açores, au Cap Vert et en Angola (escales de la Royal Air Force) et par la possibilité d’utiliser la base navale de Simonstown (Afrique du Sud).
En Méditerranée
Gibraltar ayant été compté comme base atlantique, la Grande-Bretagne n’est plus présente en Méditerranée qu’à Malte et à Chypre. Malte, base navale éventuelle, base aérienne (un escadron de English ElectricCanberra et un de Hawker Siddeley Nimrod) et garnison d’un bataillon britannique, a perdu aux yeux des Anglais de son importance stratégique antérieure et ils n’y restent que comme fidei-commis de l’Otan, pour en dénier l’usage aux forces du Pacte de Varsovie et notamment à la flotte soviétique en Méditerranée.
Chypre, base aérienne (deux escadrons de Avro Vulcan et un escadron de English Electric Lightning), garnison de l’armée de terre (un bataillon d’infanterie et un escadron blindé), permet au gouvernement de Londres de manifester son intérêt pour le CENTO (Central Treaty Organization) auquel sont affectées les forces aériennes stationnées dans l’île, et constitue une escale indispensable sur la route d’Extrême-Orient. Le territoire des bases est sous souveraineté britannique et non chypriote, et l’Angleterre y entretient, en plus des unités ci-dessus mentionnées, un bataillon d’infanterie et un escadron de reconnaissance affectés à la force de l’ONU.
À l’Est de Suez
De la côte de l’Afrique à Hong Kong, la Grande-Bretagne dispose encore de 9 bases ou installations :
– Base navale et garnison britanniques à Hong Kong (1), base navale et aérienne à Diego Garcia, ces deux territoires étant des colonies de la Couronne.
– Base navale et aérienne de Singapour (2) où Londres maintient un détachement de l’ordre du bataillon, et quelques avions de reconnaissance maritime au sein d’une force anglo-australo-néozélandaise. Une force navale de cinq à six frégates et d’un sous-marin se répartit entre Singapour et Hong Kong.
Des escales aériennes à Nairobi (Kenya), pays membre du Commonwealth, à Sharjah (Fédération des Émirats), Masirah (Sultanat d’Oman) et Gan, pays avec lesquels la Grande-Bretagne a conclu des accords particuliers. La Royal Navy dispose en outre d’une installation de transmissions à l’Île Maurice (membre du Commonwealth), et l’armée britannique maintient une garnison (un bataillon gurkha) à Brunei (Bornéo).
Chypre : à la recherche d’une solution
Lors de son passage à Nicosie, le 8 juin 1972, M. Kurt Waldheim, secrétaire général à l’ONU, a assisté à la première réunion de la nouvelle phase des négociations intercommunautaires destinées à régler les problèmes de la cohabitation des Chypriotes grecs et turcs. Il a tenu à marquer ainsi l’intérêt de l’Organisation des Nations unies pour la recherche d’une solution à la crise latente à Chypre.
En fait les négociations proprement dites ne commenceront vraiment que début juillet, à moins qu’un nouvel incident n’amène à les ajourner, une fois de plus, comme en automne 1971 ou en février 1972. Tout continue à dépendre de Mgr Makarios, président de la République de Chypre, dont la position est sortie renforcée des différends qui l’ont opposé, depuis février dernier, au gouvernement d’Athènes et au Saint-Synode chypriote.
Les perspectives d’aboutissement des conversations intercommunautaires sont peu prometteuses, car il n’existe pratiquement aucun point d’accord entre les parties en présence. Les Grecs et une fraction de leurs ressortissants chypriotes, entraînés par le général Grivas, se prononcent en faveur de l’Énosis, ou rattachement de Chypre à la Grèce ; les Turcs et leurs ressortissants chypriotes sont hostiles à l’Énosis et demandent la création d’une fédération dans laquelle la minorité turque obtiendrait des droits comparables à ceux de la majorité grecque ; quant à Mgr Makarios, il veut le maintien d’un État chypriote indépendant et unifié. Ces divergences sur le plan des principes et des objectifs peuvent à tout moment dégénérer en violences, compte tenu de l’existence dans l’île de groupes armés clandestins. Pour ces raisons, et sur la recommandation de son secrétaire général, le Conseil de sécurité vient d’y reconduire pour six mois le mandat des forces de sécurité de l’ONU.
Sur le plan international, la méfiance entre la Grèce et la Turquie à propos de Chypre s’est accrue au cours des dernières semaines, mais elle ne paraît pas devoir aboutir à une nouvelle crise. Quant à l’Union soviétique, elle vient de rallier les États-Unis à ses conceptions, qui excluent toute atteinte à l’indépendance, à l’unité et à la souveraineté de Chypre. Il s’agit en l’occurrence d’une prise de position des deux grands contre les thèses grecque et turque et en faveur de Mgr Makarios. La position de celui-ci s’en trouve considérablement renforcée dans les négociations qui doivent s’ouvrir, face à des interlocuteurs d’ores et déjà privés de toute marge de manœuvre. Le représentant des Nations unies aux conversations intercommunautaires aura, dans ces conditions, fort à faire pour leur donner un tour constructif et même pour éviter qu’à peine commencées elles ne débouchent sur un constat d’échec.
L’affaire de Chypre, dont la solution paraît toujours lointaine, continue à troubler la bonne entente entre la Grèce et la Turquie et à servir indirectement les intérêts de l’Union soviétique en Méditerranée orientale. Elle est même susceptible de revêtir prochainement un aspect nouveau, comme pourrait le laisser présager une récente déclaration de Mgr Makarios, dans laquelle il estime que « la présence des bases anglaises constituerait un danger pour Chypre en cas d’un nouveau conflit israélo-arabe ». Toute la question est de savoir si l’Ethnarque [NDLR 2021 : littéralement « chef d’une nation »] a voulu de la sorte exprimer une de ses préoccupations, ou s’il a l’intention de mettre en cause le statut, et même l’existence, des deux bases de souveraineté que la Grande-Bretagne maintient à Chypre.
URSS : le sommet de Moscou
Le président Nixon et M. Brejnev ont signé le 26 mai 1972 deux documents sur la limitation des armes stratégiques. Le premier est un traité, sans limitation de durée, concernant le nombre et la nature des systèmes antimissiles autorisés pour chacun des pays. Il permet en définitive à l’URSS de tripler la capacité actuelle des installations en question, en portant de une à deux le nombre des zones protégées et en accroissant le diamètre de celles-ci (les installations de tri et de guidage étant placées à 150 km du centre au lieu des 100 km actuels) : ceci représente en fait la protection de la partie utile de l’URSS, tout en préservant l’appareil de dissuasion. Une de ces zones reste celle de Moscou, l’autre devra protéger en priorité des sites d’ICBM non précisés (vraisemblablement dans la région de l’Oural). Chaque système comprendra au maximum cent vecteurs et cent fusées présentés simultanément. La recherche et le développement de systèmes futurs restent libres, à l’exclusion de ceux qui seraient basés sur des principes entièrement nouveaux.
La limitation des moyens stratégiques offensifs a fait l’objet d’un accord provisoire qui « gèle » partiellement l’arsenal actuel existant ou en cours de construction ou de développement. Il donne en première lecture un avantage quantitatif important à l’URSS en lui autorisant au total 2 568 lanceurs terrestres ou sous-marins, contre 1 764 aux États-Unis : en outre les moyens américains existent déjà presque tous, alors que 668 de ceux autorisés pour l’URSS sont à venir. L’avantage actuel des Américains porte sur le nombre de têtes, double de celui des Soviétiques, par suite de leurs nombreuses têtes multiples MIRV (3) par fusée ; mais cet avantage est provisoire, les Soviétiques développant leurs études de « Mirvisation » et l’accord n’imposant aucune restriction au nombre et à la qualité des têtes nucléaires. Cet accord est donc sans doute appelé à être complété par de nouvelles dispositions destinées à donner une meilleure parité.
En définitive, et malgré ces réserves, ces accords consacrent un état d’équilibre entre les deux pays, l’état de « sous-parité » de l’un des signataires n’empêchant pas sa capacité de deuxième frappe, sur le respect de laquelle reposent en définitive les accords.
Le voyage du Maréchal Tito
Le Maréchal Tito a effectué, du 5 au 10 juin 1972, une « visite officielle et d’amitié » en Union soviétique ; il répondait ainsi au voyage effectué par M. Brejnev à Belgrade en septembre 1971. Le 14e voyage du chef de l’État Yougoslave en URSS était le premier depuis la crise subie par les relations entre les deux pays du fait de l’affaire tchécoslovaque en 1968.
Le Maréchal Tito a été traité avec des égards particuliers. Il a lui-même qualifié l’accueil qui lui a été fait « d’extrêmement chaleureux et cordial ». Il a reçu, des mains de M. Podgorny, l’ordre de Lénine qui lui avait été conféré par le Soviet Suprême à l’occasion de ses quatre-vingts ans.
Seul, un « communiqué commun » a été publié à l’issue de la visite. Il souligne la validité des déclarations de Belgrade (1955) et de Moscou (1956) et l’importance de la déclaration commune de septembre 1971 : ces trois documents reconnaissent le droit de la Yougoslavie à construire le socialisme suivant sa voie particulière.
Le communiqué confirme la détente survenue dans les relations bilatérales depuis le récent voyage de M. Brejnev à Belgrade : l’URSS et la Yougoslavie se félicitent des progrès réalisés dans les rapports entre les deux États et les deux Partis ; elles ont décidé de renforcer leur coopération économique (4), notamment en ce qui concerne les échanges de matières premières et les investissements industriels. Le tourisme entre les deux pays sera également développé.
En politique extérieure, les deux partis font état sur tous les problèmes évoqués (la Chine n’est pas mentionnée) de positions identiques ou très voisines : il en est ainsi notamment de la situation en Europe, qui tend à se normaliser à la suite de l’entrée en vigueur des traités URSS-RFA et Pologne-RFA, de « l’accord bilatéral sur Berlin-Ouest », et de l’accord entre la République démocratique allemande (RDA) et la République fédérale d’Allemagne (RFA) ; ce processus doit se poursuivre par l’entrée simultanée de la RFA et de la RDA à l’ONU et le règlement des problèmes en suspens entre la Tchécoslovaquie et la RFA. Il est nécessaire par ailleurs de procéder sans tarder à la préparation multilatérale et à la convocation de la Conférence de sécurité et de coopération européenne.
Si le communiqué cherche à donner l’impression qu’un accord complet règne entre les deux pays, l’analyse des allocutions prononcées par le Maréchal Tito fait apparaître que les préoccupations de ce dernier diffèrent parfois de celles de ses hôtes soviétiques. Le chef de l’État Yougoslave a notamment déclaré au cours d’un dîner au Kremlin que la détente en Europe ne pouvait se poursuivre indépendamment « du rétablissement de la paix au Moyen-Orient et de la stabilisation de la situation en Méditerranée ». Il a ainsi confirmé que le conflit israélo-arabe, en entraînant la présence simultanée des flottes soviétique et américaine dans les eaux méditerranéennes, constitue actuellement à ses yeux, le principal danger pour la sécurité en Europe.
Japon : la restitution d’Okinawa
La restitution d’Okinawa a eu lieu dans « l’atmosphère pesante » qui a caractérisé la fin de l’ère Sato (Premier ministre de 1964 à juillet 1972). Au cours d’une cérémonie à laquelle assistait l’empereur, M. Agnew, vice-président des États-Unis a remis au Japon, après 27 ans d’occupation, les îles d’Okinawa. À cette occasion une loi d’amnistie fut promulguée et M. Sato inaugura le téléphone rouge entre Tokyo et Washington.
Si la majorité de l’opinion japonaise s’est réjouie du retour d’un million de compatriotes, elle s’inquiète aussi des conditions dans lesquelles est rendue au Japon sa 47e préfecture. Les doutes qui subsistent sur les intentions américaines, loin de créer un climat d’unanimité, provoquent des frictions. Les parlementaires de l’opposition de gauche et de l’archipel des Ryukyu ont même refusé d’assister à la cérémonie du 15 mai. 16 000 étudiants à Tokyo et 30 000 travailleurs et étudiants à Naha ont manifesté contre le maintien à Okinawa de bases américaines. Mais « l’Armée rouge unifiée » [NDLR 2021 : groupe armé révolutionnaire japonais], discréditée depuis les incidents de Karuizawa [NDLR 2021 : une prise d’otage pendant 9 jours] n’a pu à cette occasion déclencher, comme elle en avait l’intention, des troubles dans tout le Japon.
Des ambiguïtés demeurent sur les conditions de la dénucléarisation de l’île. M. William P. Rogers, Secrétaire d’État, a affirmé, dans une lettre adressée à son homologue japonais, M. Takeo Fukuda, qu’elle était réalisée à la date du 15 mai, mais le gouvernement japonais ne dispose d’aucun moyen de contrôle sur les bases américaines. Selon les termes de l’accord Nixon-Sato, le Traité de sécurité est applicable à Okinawa comme au reste du Japon et l’autorisation de Tokyo est nécessaire pour que les forces américaines puissent y entreposer des armes nucléaires.
Deux zones extérieures à l’archipel nippon avaient été reconnues, en 1969, de grande importance pour le Japon : Taïwan et la Corée. Ce mois-ci MM. Sato et Fukuda ont déclaré que la clause de Taïwan était caduque et que ce ne serait que dans le cas d’une situation particulièrement grave en Corée que le gouvernement pourrait revenir sur sa position de principe et accepter que des armes nucléaires tactiques soient stockées à Okinawa.
Les forces américaines y conservent 87 bases, ce qui représente le cinquième de la superficie de l’île. Si la population locale tire de cette présence plus de la moitié de ses revenus, elle est consciente du rôle de base arrière que joue Okinawa dans le conflit vietnamien. Elle est prête à tolérer une présence logistique discrète mais les rotations de B-52 l’irritent et l’inquiètent.
Enfin tout en se donnant l’avantage d’une attitude anti-américaine, les habitants d’Okinawa voyaient leur particularisme préservé par les autorités d’occupation. Soumis à la réglementation nippone, ils vont rentrer dans le rang et perdre certains avantages. De plus, ils craignent que l’île qui ne couvre que le cinquième de ses importations par ce qu’elle vend, ne devienne le refuge des secteurs polluants de l’industrie japonaise.
En définitive, Okinawa risque de devenir un problème intérieur. ♦
(1) Deux bataillons britanniques - trois bataillons gurkhas - un régiment d’artillerie.
(2) Dans le cadre de l’accord des cinq nations : Malaisie, Singapour, Australie, Nouvelle-Zélande et Grande-Bretagne.
(3) Multiple Independantly Targetable Re-entry Vehicle.
(4) La valeur des échanges entre l’URSS et la Yougoslavie s’est accrue de 20 % de 1970 à 1971. Ces échanges représentent 10 % du commerce extérieur de la Yougoslavie et 3 % du commerce extérieur soviétique