Défense en France - Le statut des officiers et des sous-officiers devant le Parlement ; modifications au projet initial
Nous avions souligné dans nos précédentes chroniques, la portée et le caractère novateur du projet de la loi modifiant le statut général des militaires et édictant de nouvelles dispositions pour les militaires de carrière ou servant en vertu d’un contrat.
Soumis au vote du Sénat le 7 octobre 1975, puis à l’Assemblée nationale dix jours plus tard et enfin en seconde lecture à nouveau au Sénat le 23 octobre, le projet de loi a été approuvé à une large majorité. Le texte de loi correspondant a été publié au Journal officiel du 31 octobre (loi 75.000).
Tout en approuvant les principes généraux de la réforme qui leur était présentée et sans en remettre en cause l’économie générale, les parlementaires ont tenu à apporter un certain nombre d’amendements au texte qui leur était proposé. Ils ont ainsi apporté au projet diverses améliorations qui portent soit sur la forme soit sur le fonds dans un certain nombre de domaines importants pour l’avenir de la réforme. Bornons-nous ici aux modifications essentielles introduites dans le texte initial.
• Sur proposition de la Commission de la défense nationale et des forces armées, les députés ont voté un amendement qui modifie la portée de l’article 25 de la loi de 1972 relatif à la notation. Celui-ci stipulait que « les militaires sont notés au moins une fois par an. À l’occasion de la notation, le Chef fait connaître à chacun de ses subordonnés directs sur sa manière de servir ». L’amendement n° 27 préparé par la Commission et adopté par l’Assemblée nationale, introduit dans le texte de l’article n° 25 un nouvel alinéa : « Les notes et appréciations sont obligatoirement, chaque année, communiquées aux militaires ». Cette disposition revêt donc un caractère impératif et dépourvu de toute ambiguïté, en ce qui concerne la communication intégrale des notes que certains chefs pouvaient jadis interpréter dans un sens plus restrictif.
• Le deuxième amendement important adopté par les deux assemblées concerne les officiers servant sous contrat (c’est en effet le terme qui a prévalu sur celui, proposé par le Sénat, d’« officier engagé »). Sous ce vocable est créée une nouvelle catégorie d’officiers, ce qui permettra aux armées de pourvoir plus facilement certains postes exigeant des qualifications spéciales. Les volontaires, qui devront avoir satisfait aux obligations du service national actif ou en avoir été régulièrement dispensés, pourront exercer un commandement dans des fonctions déterminées, à caractère scientifique, technique ou pédagogique, correspondant à leur qualification professionnelle. Le grade de l’officier servant sous contrat est conféré par arrêté du ministre. La durée maxima du service des officiers sous contrat, d’abord fixée à cinq ans par les amendements initiaux, a été étendue à dix ans sur proposition de M. de Bennetot.
• Le troisième amendement important concerne l’article L 12 du code des pensions et le décompte des annuités acquises en vue des retraites. Aux termes du texte adopté par les deux assemblées, une bonification du cinquième du temps de service accompli est accordée à tous les militaires de carrière ayant accompli au moins 15 ans de service effectifs ou ayant été rayés des cadres pour invalidité, et ceci dans la limite de 5 annuités de bonification au maximum. Le maximum de bonifications est donné aux militaires qui quittent le service à 55 ans : au-delà, la bonification est diminuée d’une annuité pour chaque année supplémentaire de service jusqu’à l’âge de 58 ans. Après 58 ans (1), les officiers partant à la retraite ne bénéficieront plus de ces bonifications mais ils n’auront en fait pas été lésés puisqu’ils auront acquis normalement un nombre d’annuités équivalentes. On peut considérer cette mesure comme étant de nature à inciter les cadres à quitter le service à l’âge de 55 ans ; elle n’en présente pas moins un caractère très équitable. Notons d’autre part qu’elle ne remet pas en cause les bonifications d’annuités qui existaient déjà auparavant, pour service à la mer, service outre-mer et autres, et qui restent acquis.
• En ce qui concerne les sous-officiers, le Parlement a apporté une modification importante au projet initial de corps de débouché en ne conservant qu’un seul grade, celui de major, pour ce corps dont la création était proposée en compensation de la mise en extinction de celui des officiers techniciens. Certains députés auraient voulu que la revalorisation de la condition matérielle des sous-officiers s’opère uniquement par majoration des indices sans création de nouveaux grades. L’Assemblée nationale ne les a pas suivis, mais le Gouvernement ayant accepté la suppression du grade de major principal, le Parlement a finalement voté un amendement dans ce sens. En conséquence, il n’existera plus qu’un corps de débouché, celui des majors qui, recrutés sur titre ou au choix, bénéficieront d’un certain nombre d’échelons dont un exceptionnel auquel correspondra l’indice terminal 444. Cet amendement permettra, sans diminuer en rien les avantages matériels que le projet initial visait à accorder aux sous-officiers, d’éviter de reléguer les adjudant-chefs au troisième rang, de simplifier la hiérarchie et de faciliter la gestion des corps de sous-officiers. Dès 1976, 500 postes de majors seront créés. Notons enfin que le ministre a précisé qu’il n’y aurait pas de créneau d’avancement entre les grades d’adjudant-chef et de major.
C’est également une mesure de simplification qui a été introduite par un amendement très important prescrivant le regroupement du très grand nombre des corps d’officiers des services sous une même rubrique en ce qui concerne les limites d’âge. Le regroupement facilitera la mise en place, au profit de corps qui actuellement sont limités au grade de lieutenant-colonel, de mesures leur ouvrant l’accès au grade de colonel et de général.
Enfin le Parlement a tenu à faire préciser dans la loi que la réforme prendrait effet le 1er janvier 1976 ; au cas où la mise au point de certains décrets d’application devrait subir des délais retardant leur parution au-delà de cette date, leur effet sera rétroactif.
Les parlementaires en proposant ces amendements et le Gouvernement en les acceptant bien volontiers, marquent ainsi leur volonté d’accélérer la réalisation de cette réforme, maintenant que les principes généraux en ont été adoptés. Il était important que l’accord de la Nation et du Parlement sur cette importante question soit ainsi manifesté avant que les assemblées n’abordent l’examen du budget de la défense auquel sont inscrits les crédits nécessaires à la revalorisation de la fonction militaire.
(1) 61 ans pour les officiers de recrutement direct des corps dont le concours d’entrée comporte une limite d’âge maximum égale ou supérieure à 25 ans.