Outre-mer - Le budget de la Coopération : un exemple de libéralisme sélectif et relationnel - Le plan anglo-américain de règlement de la question rhodésienne
Le tiers des experts qui secondent les pays en voie de développement sont français et pourtant le budget de la coopération est sans doute celui qui suscite le moins d’intérêt. Faut-il y voir un trait du caractère français, généreux dans ses sentiments mais parcimonieux dès qu’il s’agit d’argent ? Ne serait-ce pas plutôt le reliquat du « cartiérisme » qui s’était appliqué à présenter les pays d’Afrique comme des solliciteurs sans dignité ? Les sentiments évoluent au gré des événements et les conséquences économiques de la guerre du Kippour n’ont guère favorisé la compréhension de questions au demeurant fort complexes. Le fait est cependant là : plus que tout autre le Français porte un intérêt non dissimulé au développement des États du Tiers-Monde, plus que tout autre il y participe grâce à son expérience et son savoir, et pourtant l’opinion publique manifeste une réserve inébranlable envers l’effort accompli dans le domaine de la coopération.
Les pouvoirs publics ne sont pas toujours restés insensibles à cette circonspection populaire. Si au départ la coopération fut élaborée compte tenu des liens que l’histoire avait lissés entre la métropole et ses anciennes colonies (« Pour qu’ils parlent notre langue et partagent notre culture, nous devions les aider », dira le général de Gaulle), il apparut ensuite nécessaire de justifier les dépenses budgétaires par la satisfaction d’intérêts privés à caractère purement commercial. Cette mutation s’opéra sous le président Pompidou, notamment à l’occasion de la mise à jour des accords de coopération en 1972 : on assista alors au relâchement des liens monétaires et nombre d’accords militaires tombèrent en désuétude. Le secteur privé était en revanche invité à s’intéresser davantage à l’Afrique, et le premier voyage qu’effectua M. Pompidou sur le continent noir ouvrit la voie à une mission du CNPF. Cette tendance s’accentua encore du temps que M. Pierre Abelin était ministre de la Coopération. Son fameux rapport de 1975 ne souhaitait-il pas que « des représentants du secteur privé puissent participer aux travaux des missions de programmation » ? Son successeur, M. Robert Galle, sait qu’il ne peut exister de coopération sans qu’existe la confiance entre les partenaires et sans que ceux-ci n’y trouvent des avantages réciproques, mais il a conscience aussi que l’argent ne saurait être le seul critère. Le budget que l’Assemblée nationale a adopté à la fin du mois d’octobre en porte témoignage.
Ce budget 1978 est en augmentation de 17,27 % par rapport au précédent, atteignant 3 015 millions de francs. Il ne s’agit pas seulement de pallier les effets de l’érosion monétaire, le gouvernement français entend aller plus loin. Un fait apparaît immédiatement à l’analyse de ce budget : la part consacrée à l’aide technique militaire. Elle est la première bénéficiaire de cet accroissement budgétaire puisqu’elle enregistre une progression de 44,7 %. Avec une somme de 380 200 000 F, elle dispose de 13 % de l’enveloppe globale. À un moment où l’Afrique traverse une période d’insécurité manifeste, où les tensions idéologiques viennent raviver d’anciennes querelles, où les ingérences extérieures sont fait courant, nul ne s’étonnera que le ministère français de la Coopération ait jugé nécessaire d’intensifier de la sorte son assistance militaire aux pays qui en éprouvent le besoin. En avril dernier, à la Conférence de Dakar, certains États africains modérés, inquiets devant l’évolution des événements, avaient envisagé la création d’une force armée commune. L’entreprise présente bien des difficultés. Mais déjà à cette époque le président Giscard d’Estaing, précisément dans son intervention à ce sommet franco-africain, avait affirmé : « Tout État africain a droit à la sécurité à l’intérieur de ses frontières, quelles que soient ses options politiques. » Il est certain que depuis lors la réflexion a mûri, et nous en trouvons les conclusions concrètes dans le nouveau budget de la coopération.
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