Outre-mer - Le Zaïre en péril - Urgence et nécessité de la concertation euro-africaine
Le continent africain s’embrase plus rapidement que prévu. À côté des secteurs qui attirent l’attention depuis plusieurs années, Sahara occidental, Éthiopie, Afrique australe, se rallument des brûlots mal éteints. Les situations au Tchad et au Zaïre, par exemple, préoccupent à un tel point les pays occidentaux et certains États africains qu’ils n’hésitent pas à y envoyer des troupes afin de protéger leurs ressortissants. La réactivation des conflits latents inquiète. Il existe en Afrique de nombreux foyers dont on ne peut dire qu’ils sont tout à fait apaisés : les problèmes qui ont provoqué des crises dans le passé n’ont jamais été résolus ; ils ont simplement perdu de leur acuité quand ils ont cessé d’intéresser le monde extérieur. Chose curieuse, les premiers réveils se situent dans la partie du continent la plus névralgique, celle où des nations mal cousues font le pont entre les pays côtiers de l’Atlantique et de l’océan Indien : ces nations, si elles étaient dotées d’un État fort, seraient capables d’avoir un pouvoir de rayonnement sur leurs nombreux voisins. Tout se passe comme si un cerveau, caché quelque part en milieu « progressiste », cherchait à contrebalancer les interventions soviéto-cubaines en Éthiopie et en Angola en provoquant, dans des secteurs bien choisis, les actions similaires de pays occidentaux afin d’effacer ce que la neutralité, que ces derniers affectent à l’égard des problèmes africains, a de désobligeant pour l’attitude de l’URSS et de Cuba. La France, notamment, est amenée à conduire des opérations ponctuelles ou permanentes de protection en Mauritanie, au Tchad et au Sahara : opérations qui sont jugées par les pays « progressistes » comme des actes d’agression, alors que ces mêmes pays affirment que l’URSS et Cuba, qui n’ont pas l’excuse de protéger leurs ressortissants lorsqu’ils aident, par exemple, l’Éthiopie à conserver l’Ogaden et l’Érythrée, ne font que répondre à l’appel d’assistance d’un gouvernement ami ; ils portent d’ailleurs le même verdict sur l’Angola où l’action cubaine ne vise pourtant qu’à consolider un régime qui n’a jamais pu s’imposer par son propre rayonnement.
Dans le cas du Shaba, l’initiative de l’offensive déclenchée le 12 mai contre les villes de Mutshasha et de Kolwezi, a été revendiquée par le Front de libération nationale du Congo (FLNC). Les localités visées commandent le secteur minier dont les ressources sont indispensables à l’équilibre économique du Zaïre, déjà bien compromis par la chute des cours du cuivre (70 % des recettes nationales) et par l’augmentation des coûts de production due à la fermeture de la voie d’évacuation la plus naturelle qui traverse l’Angola. Le FLNC se divise en deux fractions dont les objectifs paraissent différents. Les combattants, instruits par les Cubains en Angola, héritiers des gendarmes katangais de Moïse Tshombe, appartiennent en général à l’ethnie lunda, partagée entre la Zambie, l’Angola et le Shaba : ils n’ont pas la prétention de chasser du pouvoir le maître de Kinshasa ; ils ont seulement l’espoir de provoquer la sécession d’une province dont la population répugne à financer la survie et l’équipement de l’ensemble du territoire zaïrois. Quant aux autres, ils proviennent des diverses provinces du Zaïre, principalement de la partie orientale longtemps dominée par les mulelistes marxistes : exilés en Europe, ils ont, eux, l’ambition de prendre le pouvoir dans la capitale et d’imposer à l’ensemble du pays un régime et une orientation conformes à leur idéologie ; ils disposeraient de certains appuis en Belgique même où la politique du général Mobutu n’est pas toujours appréciée, surtout lorsqu’elle tend à reporter sur l’ancien colonisateur la responsabilité des difficultés que connaît l’ancien Congo belge.
Un examen du déroulement de la nouvelle attaque contre le Shaba amène à penser que les lunda katangais ou les dirigeants du FLNC s’ils ont été en partie des acteurs du drame, n’en ont pas été les instigateurs. Qu’elle veuille s’emparer du pouvoir à Kinshasa ou provoquer la sécession du Katanga. Une personnalité politique vraiment responsable peut difficilement accepter que la source de richesse dont dépend l’avenir de ces deux territoires soit détruite même provisoirement. La responsabilité des événements se situe donc ailleurs. En 1977, lorsque les maquis katangais avaient envahi le Shaba, il était clair que Luanda cherchait à exercer une pression sur Kinshasa pour que le général Mobutu cessât de soutenir le « Front de libération du Cabinda », ce territoire enclavé entre le Congo et le Zaïre et détenteur des ressources pétrolières sur lesquelles vit actuellement l’Angola. M. Neto avait profité de l’existence du problème lunda pour infléchir la position de son adversaire : il s’agissait donc d’un conflit activé par la rivalité de deux États mais gardant un caractère local, bien qu’il eût une résonance idéologique sur l’ensemble du continent. En mai 1978, les opérations se sont déroulées de manière différente. Le Shaba n’est pas envahi : les rebelles ne paraissent pas avoir l’intention d’occuper le terrain. Ils entendent seulement, comme le Polisario quand il attaque la Mauritanie, traumatiser les Européens pour les empêcher de rester et détruire les installations minières afin de tarir la production de cuivre.
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