Revue des revues
• La revue américaine Foreign Affairs, dans son numéro d’hiver 1981/1982, publie, parmi beaucoup d’autres articles intéressants, une étude intitulée « MAD versus NUTS », dont les auteurs sont deux universitaires, Spurgeon M. Keeny Jr et Wolfgang K.H. Panofsky, ayant occupé des positions officielles.
De cet article assez long, il ressort une idée majeure : les risques d’un conflit nucléaire sont très largement indépendants des doctrines stratégiques et de leurs applications. Ils proviennent de la nature même de ces armes, qui est leur capacité de destruction massive. C’est une réalité que l’on a tendu à oublier car on a déclaré que la destruction mutuelle assurée (MAD) était militairement inacceptable et immorale. On a proposé de la remplacer par des doctrines antiforces que les auteurs regroupent sous le nom de Nuclear Utilisation Target Selection ou NUTS. Celles-ci sont dangereuses, car elles peuvent faire croire qu’une guerre nucléaire limitée serait possible. Or, dans les deux scénarios envisagés, une attaque soviétique sur les silos d’ICBM (Missile balistique intercontinental) ou une riposte nucléaire de l’Otan pour arrêter une invasion en Europe, produiraient des destructions énormes et des pertes en vies humaines considérables (un seul sous-marin Poseidon peut tuer 30 millions de Soviétiques). Tout emploi réel, même de l’arme à neutrons, ne peut rester limité. Le changement de nature d’un conflit se situe dans le passage du conventionnel au nucléaire et non du passage d’une catégorie d’arme nucléaire à une autre.
À ces capacités de destruction s’ajoute l’impossibilité de protéger les populations. Dans une attaque aérienne conventionnelle, il suffit d’abattre 10 % des bombardiers pour que les bombardements s’arrêtent, puisqu’au bout de 10 raids, il ne restera qu’un tiers des avions mis en ligne. Avec des armes nucléaires, si on abat 90 % des bombardiers, les 10 % restants produisent des dommages catastrophiques. Il en est de même pour les missiles, et une défense ABM (Missile antibalistique) doit donc être efficace à 100 %. Ceci n’est possible que pour des objectifs ponctuels durcis (système LOAD pour les silos de MX par exemple), mais non pour des zones urbaines étendues. Un système placé dans l’espace, avec lasers et faisceaux de particules, exigerait une centaine de satellites, dont le montage ne pourrait être effectué que par des millions de voyages de navettes spatiales. Le coût en serait extraordinaire. Les satellites sont d’ailleurs vulnérables, et aucune analyse sérieuse ne permet de prévoir leur mise en place dans les vingt ans à venir. Quant à la protection civile, elle peut sauver des vies, mais il semble bien que le programme soviétique soit d’effet très limité. Les plans d’évacuation prendraient une semaine et seraient un avertissement. Les industries elles-mêmes ne sont ni protégées ni dispersées.
Il reste 78 % de l'article à lire