Défense à travers la presse
Aussi bien la Conférence de Genève sur les armes eurostratégiques (1981) que celle de Madrid sur la sécurité en Europe (1980) n’ont guère tardé à se fourvoyer dans la propagande. À Genève, les deux négociateurs s’étaient jurés de respecter le secret du huis-clos : or Moscou et Washington en vinrent rapidement à étaler au grand jour leurs suggestions, à l’étonnement des observateurs. À Madrid, les pays de l’Est eurent recours à la procédure pour s’éviter les joutes oratoires de l’Occident à propos de la Pologne.
Dans un cas comme dans l’autre, il fut loisible à tout le monde d’observer que le président Ronald Reagan acceptait que sa politique du linkage, du lien global entre le comportement de l’Union soviétique et ses possibilités d’entente avec les États-Unis, soit sujette à quelques entorses. Est-ce pour échapper à la solitude ? C’est un peu la question que se pose Le Quotidien de Paris du 16 février 1982 dans le dossier qu’il a présenté à ses lecteurs sous le titre : les États-Unis sur tous les fronts. Après avoir remarqué qu’au Salvador l’Amérique redoute l’engrenage pour ne pas s’enliser comme au Vietnam, qu’en Europe le danger n° 1 est le pacifisme, notre confrère analyse le face-à-face Moscou-Washington. Et pour Pierre Beylau, la Maison-Blanche manifeste une stratégie encore hésitante :
« Confrontée à la première grande crise de son mandat, l’administration Reagan n’a pas fourni la riposte claire, cohérente, ferme et réaliste que l’on attendait d’elle… La Maison Blanche hésite entre deux politiques. L’une, réaliste, reviendrait à admettre le caractère inéluctable du partage de Yalta – quitte à exiger de Moscou des contreparties dans la sphère d’influence occidentale, en Afrique ou en Amérique centrale par exemple. L’autre attitude, plus idéaliste ou idéologique, consisterait à mettre au premier plan la défense des droits de l’homme et à profiter de l’affaire de Pologne pour affaiblir véritablement l’URSS. Entre ces deux options, l’Amérique n’a pas choisi… De nombreux responsables américains se montrent très sceptiques sur les chances de réussite d’une politique de sanctions… À ce cafouillage sur la question des sanctions s’est ajouté un flottement évident sur la tactique à adopter dans les grandes négociations stratégiques. C’est ainsi qu’Alexander Haig a accepté de discuter à Genève avec Andrei Gromyko malgré Varsovie, et que les pourparlers sur les euromissiles se poursuivent… Bref, les autorités américaines se voient confrontées à une réalité qui ne se plie pas nécessairement aux beaux schémas que les penseurs de la côte ouest avaient peaufinés lorsqu’ils étaient dans l’opposition. Il reste à l’Amérique à définir vis-à-vis de l’Union soviétique une politique qui tienne compte des intérêts de l’Occident et des réalités internationales. »
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