Afrique - Nouvelle constitution sud-africaine : progrès ou régression ? - Remise en ordre en Côte d'Ivoire
Les événements, qui se sont déroulés dans le nord du continent africain et qui ont conduit à « figer » pour ainsi dire les crises, comme au Sahara occidental, au Tchad, dans la corne orientale de l’Afrique, voire au Soudan et en Ouganda, le jeu solitaire et déstabilisateur d’un État membre de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) retiennent l’attention de l’opinion ; ils la détournent de l’examen approfondi et critique d’une évolution qui s’est esquissée en Afrique du Sud. Aujourd’hui, cette évolution, qui cherchait à prendre forme depuis plusieurs années, est réelle : elle peut se diriger, selon la force ou la nature des pressions exercées sur Pretoria, soit vers une solution raisonnable du problème sud-africain, soit vers une aggravation de l’apartheid. Mais, la première option de l’alternative ne saurait être atteinte qu’à la condition que l’opinion, notamment en Afrique, ait pris conscience qu’une solution juste du problème sud-africain, c’est-à-dire une solution accordant les mêmes droits à toutes les communautés, ne pouvait être trouvée qu’après une évolution relativement lente du statut intérieur. Toute proposition, qui tendrait à amener rapidement l’élection du pouvoir par un suffrage universel étendu à toutes les communautés, manquerait de réalisme : elle entraînerait de toute évidence le raidissement de la communauté blanche, britishers compris, minorité qui dispose – pour longtemps encore – d’une nette supériorité dans le rapport des forces. Il n’est pas certain que, dans cette hypothèse qui est la moins favorable, une extension des activités terroristes permettrait de mieux équilibrer les chances. En revanche, il est vraisemblable que, si l’opinion oblige Pretoria à appliquer le « développement séparé » jusqu’aux plus extrêmes conséquences du système, en s’efforçant de sortir la situation politique des impasses dans lesquelles certains politiciens blancs chercheront a l’immobiliser, on parviendra, au terme de l’évolution, à l’égalité des droits puis à l’intégration progressive des communautés.
Le premier projet de réforme constitutionnelle date de 1977, époque où M. Vorster, encore Premier ministre, après un succès écrasant aux élections, entendait échapper à la fatalité du laager, c’est-à-dire à cet esprit de résistance opiniâtre des Boers qui naît d’un encerclement hostile. Il désirait par conséquent améliorer ses relations avec le monde occidental et avait esquissé un rapprochement avec plusieurs États africains, principalement la Côte d’Ivoire, mais aussi le Zaïre et même la Zambie. La décolonisation des territoires portugais voisins privait alors l’Afrique du Sud de son glacis protecteur et contraignait le gouvernement de ce pays à rechercher des sympathies agissantes au-delà des États qui l’entouraient et avec lesquels il entretenait des relations économiques, obligatoires mais politiquement difficiles. Le président Houphouët-Boigny, conscient que le développement de la violence en Afrique australe ne pouvait amener qu’une intervention graduelle des grandes puissances sur le continent africain et, fatalement, le « gel » de l’émancipation de la communauté noire, estimait que, pour se savoir intégrée à la masse africaine, l’Afrique du Sud blanche n’hésiterait pas à entamer un dialogue avec certains États noirs et que, pour maintenir ce dialogue, elle serait obligée d’apporter à sa politique intérieure les changements qui pourraient la rendre plus crédible en Afrique. M. Vorster comprit rapidement qu’un gouvernement, surveillé jalousement par un parlement qui était élu par la seule communauté blanche, ne pourrait jamais se lancer dans une politique de réformes, même graduelle et prudente. Il fallait donner à un président élu la possibilité d’échapper au contrôle absolu d’une assemblée législative dominée par une seule ethnie et un seul parti. Cette première réforme aurait l’avantage immédiat de prouver à l’opinion internationale, du moins à celle des pays occidentaux, que Pretoria entendait rejeter non seulement les défauts visibles de l’apartheid dans sa pratique quotidienne, mais les interdits qui, dans les structures de l’État et de la société, empêchaient les 3/4 des citoyens de participer à la gestion des affaires. La réforme ne concernait, en fait, que la partie du territoire sud-africain réservée à la population blanche. Le reste avait fait l’objet d’une réforme antérieure : création de 9 bantoustans correspondant aux principales ethnies, États africains que, peu à peu, Pretoria s’efforçait de « décoloniser ».
La politique de M. Vorster présentait donc alors un double volet : céder aux bantoustans des terres dévolues au secteur « blanc » afin de les rendre politiquement et économiquement viables ; organiser ce que l’on pourrait appeler la « métropole » afin que le chef de l’État dispose d’une certaine liberté de manœuvre et ne soit pas le prisonnier d’une seule communauté. Dans cette dernière perspective la République d’Afrique du Sud devait être composée de 3 « nations » (blanche, métisse, indienne). Ces 3 nations auraient chacune leur parlement et leur gouvernement habilités à gérer les affaires « nationales ». Les questions d’intérêt commun seraient traitées par un « Conseil de cabinet », fonctionnant au niveau du président de la République avec des représentants ex officio des 3 communautés au prorata des chiffres de leur population, proportion utilisée également pour la constitution du collège appelé à élire le président de la République et qui serait composé de 50 Blancs, 25 Métis et 13 Indiens. Le législatif devait être formé par les 3 « chambres nationales » du Parlement ; en cas de votes contradictoires, le litige serait soumis au Conseil de cabinet. Si celui-ci ne parvenait pas à un compromis, le président serait habilité à trancher de sa propre autorité.
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