Afrique - Angola-Namibie : fin des tensions ? - La persistance des périls ?
En juin et en juillet, nous avions pu constater que si l’URSS, dans plusieurs parties du continent africain, s’avérait capable d’amender sa politique sans avoir eu à discuter au préalable avec les États-Unis et de la rendre plus réaliste, dans le cas de l’Angola et dans plusieurs secteurs « chauds », son désengagement relatif était lié aux résultats d’une négociation globale avec Washington. Moscou désirait s’assurer auprès du gouvernement américain qu’une évolution de sa politique n’aurait que des conséquences limitées pour les équipes qu’il avait protégées jusqu’ici et qu’il ne désirait pas voir éliminer, même s’il leur conseillait d’adopter, sur le plan régional, une attitude réservée ou conciliante. Le pouvoir soviétique, tout en cherchant à profiter au maximum des avantages que pourrait lui procurer la détente internationale, n’entendrait pas pour autant tolérer que soient désavouées publiquement les équipes « dogmatiques » grâce auxquelles une implantation du « socialisme scientifique » a pu atteindre quelque profondeur. Ce dernier point est important à souligner : en Afrique plus qu’ailleurs, la pérennité de la présence soviétique se fonde, dans un premier temps qui peut être long, sur la fidélité des dirigeants communistes à des personnalités quelque peu charismatiques plus qu’à l’authenticité de la doctrine appliquée ou répandue localement, étant bien entendu que, dans les pays en voie de développement, Moscou veut continuer à créer, par tous les moyens, les conditions économiques et sociales qui permettront l’enracinement réel d’une structure socialiste. Dans presque tous les cas, cette volonté implique que les pays concernés ne se ferment pas à l’influence occidentale dont l’aide accélérera l’évolution de la société dans le sens souhaité. Une politique aussi délicate ne saurait être menée si les exécutants locaux et leurs partenaires lointains ne sont pas unis par une foi solide qui sous-entend une compréhension et une fidélité réciproques.
La politique de détente ne pouvait se déployer à un meilleur moment. En période électorale, le parti qui détient le pouvoir aux États-Unis souhaitait qu’un succès diplomatique vint renforcer la position de son candidat, même s’il devait s’avérer sans lendemain. Du côté russe, un règlement, même artificiel et provisoire, d’une tension dans une partie du monde signifiait que les économies budgétaires réalisées à cette occasion favoriseraient l’amélioration des conditions de vie dans les républiques socialistes soviétiques, amélioration promise par les nouveaux dirigeants. Toutefois une détente, fondée sur des concessions réciproques aux effets calculés pour être relatifs, n’aura jamais un caractère définitif ; elle laisse la possibilité, à Washington comme à Moscou, d’en revenir rapidement aux affrontements d’intérêt des deux blocs idéologiquement opposés, pour peu que l’opinion américaine se raidisse ou que la fraction la plus dure du parti communiste soviétique oblige son secrétaire général à moins d’accommodement ou le contraigne à l’effacement.
La façon dont fut réglé le différend entre l’Angola et l’Afrique du Sud offre un bel exemple de l’élaboration d’une solution spectaculaire mais précaire. Dès le début des négociations, les positions des deux grandes puissances étaient ambiguës. L’URSS paraissait concéder aux États-Unis le soin d’arbitrer un conflit régional ; donc, elle semblait lui reconnaître une position privilégiée dans cette région d’Afrique. En réalité, elle laissait les Américains discuter avec une puissance de second plan, mais elle se réservait le pouvoir, en s’efforçant d’obtenir par ailleurs des compensations de Washington, d’amener Cuba à se montrer parfois plus, parfois moins compréhensif. De leur côté, les Américains menaient un jeu aussi subtil à l’égard de l’URSS. Ils profitaient de ce que celle-ci désirait maintenir à Luanda les seuls gouvernants qui lui fussent favorables pour faire peser la menace de l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (UNITA) qu’ils continuent à aider dans sa lutte ; même ambiguïté envers Pretoria. Les efforts déployés par les forces cubaines depuis le début des négociations obligent l’Afrique du Sud à intervenir davantage sur le territoire angolais si ses dirigeants veulent maintenir une pression efficace de l’UNITA sur le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA). Washington ne contrarie pas mais, avec l’aide de Londres, continue à se montrer un allié conditionnel et occasionnel d’une diplomatie sud-africaine par ailleurs très isolée. L’accord, signé début août à Genève entre Luanda, La Havane et Pretoria, ne règle donc ni le problème de la guerre civile en Angola, ni celui de l’indépendance namibienne. Chacune des parties en cause, après l’évacuation des forces sud-africaines d’Angola et l’engagement de Cuba de présenter, avant cette évacuation, le calendrier du repli de ses propres troupes, conserve ses principaux atouts pour des négociations ultérieures dont le cours pourra être différé ou rompu à tout moment.
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