Afrique - La porte étroite vers la démocratie
Suffira-t-il aux pays africains de mettre à bas les régimes prétoriens, selon un processus que nous analysions ici le mois dernier, pour se doter de saines démocraties ? Si la question est facile à poser, les réponses sont moins évidentes. Il est toutefois assuré que si les événements qui ont mis fin au socialisme à l’Est s’étaient produits en 1960, les États africains à l’heure de l’indépendance n’auraient pas aussi promptement répudié l’héritage colonial : ils se seraient insérés dans le système d’échanges occidental en adoptant probablement les voies de la démocratie représentative. Il en fut autrement et les traces laissées par les choix marxistes-léninistes ne seront pas aisées à effacer.
Si certains États, comme le Rwanda ou le Gabon, se sont inspirés des normes occidentales pour rédiger leur Constitution, bien d’autres pays ont préféré adopter le centralisme démocratique avec un parti unique considéré comme l’avant-garde de la révolution. On en est ainsi venu à la notion du parti nation, force dirigeante de l’État et de la société comme l’énonce la Constitution du Mozambique. En fait, le parti s’est surtout identifié à l’État plutôt qu’au peuple. Par suite de la bureaucratisation de son appareil, il est alors devenu un appendice du gouvernement. Il en est résulté une profonde confusion juridique, le chef de l’État, généralement président du parti, s’arrogeant le droit de donner force de loi à chacune de ses décisions.
La notion même de droit fut tenue en suspicion. D’abord parce qu’elle apparut comme une greffe occidentale n’ayant pas de valeur universelle, ensuite parce qu’en figeant les règles du jeu politique et économique, elle ne pouvait que nuire au succès des forces révolutionnaires. L’idée révolutionnaire, instillée par Moscou, constituait l’unique référence de légalité. La Constitution algérienne de 1982 n’intimait-elle pas aux juges d’obéir à la seule morale révolutionnaire ? Dans ces conditions, il devenait inopportun qu’un organe suprême soit habilité à contrôler la légalité des lois. Au Bénin, le parquet populaire central n’avait aucunement cette fonction : il s’agissait pour lui de poursuivre les atteintes à la volonté du peuple exprimée par le parti.
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