Deux guerres, Indochine-Vietnam, Français-Américains
Yves Malet est un ancien officier qui a servi la plus grande partie de sa carrière en Indochine (où il a successivement commandé trois bataillons au Tonkin), en Afrique noire, à Madagascar et en Afrique du Nord. Il nous livre ici une étude minutieuse des deux guerres qui ont bouleversé le Vietnam. Entre l’engagement des Français et celui des Américains, une comparaison s’imposait. L’auteur nous la propose dans un récit bien documenté ; l’ouvrage dépasse cependant l’essai historique. Chaque événement important est habilement commenté et scrupuleusement analysé dans son contexte particulier. Le lecteur est ainsi amené à réfléchir, donc à mieux percevoir les réalités de certaines situations.
Avec le recul du temps, le livre met bien en exergue les erreurs commises par certains responsables politiques et chefs militaires. L’exemple le plus flagrant concerne notamment les colossales fautes de jugement portées par le général Westmoreland (chef du Military Assistance Command de 1964 à 1968) sur les possibilités du Viêt-Cong et sur la situation réelle dans les campagnes. Le manque d’intégration des soldats américains au sein de la population locale constitue d’ailleurs l’un des faits majeurs ayant contribué à la défaite de la première puissance mondiale. La débâcle a été accélérée par une opinion publique hostile qui a ébranlé le moral des militaires et provoqué des désordres graves. Les Français ont souffert du même handicap, voire d’une indifférence en métropole, parce que les appelés ne participaient pas au conflit. En tout cas, les Américains eurent un grand mérite : ils avaient les moyens d’anéantir l’adversaire, comme ils l’avaient fait face au Japon et à l’Allemagne. Ils refusèrent de s’engager dans des solutions extrêmes. Pour l’auteur, ce fait doit être porté à la gloire des États-Unis.
L’intérêt de l’œuvre d’Yves Malet tient également dans la clarté des données géographiques et historiques exposées dans la première partie. Le contexte des deux conflits y est parfaitement défini. Il permet de bien situer le Vietnam par rapport à la France et aux États-Unis et de saisir les différentes subtilités et composantes de ce territoire de l’Asie du Sud-Est. Les tableaux qui sont commentés dans la dernière partie donnent assez bien la mesure des moyens mis en œuvre par les Américains (539 000 hommes en 1969) et par les Français (175 000 hommes à la fin de 1953). Les statistiques soulignent aussi le pourcentage important de troupes « coloniales » (17 % de Nord-Africains, 33 % d’Asiatiques, 10 % de Noirs africains).
En résumé, ces deux guerres révolutionnaires n’auront fait que des vaincus. Non seulement les Français et les Américains y ont subi de lourdes pertes, mais le peuple vietnamien a été affaibli par un régime communiste qui l’a plongé dans un dramatique marasme. Aujourd’hui la paix est revenue. Les Vietnamiens veulent à nouveau vivre et s’épanouir. Beaucoup de cicatrices demeurent, mais l’ouverture progressive du Vietnam vers l’extérieur (en particulier vers la France) et la reprise économique dans le pays, dopée par l’extraordinaire dynamisme de sa population, font apparaître une lueur d’espoir. L’ouvrage d’Yves Malet nous rappelle la nécessité de rétablir des liens avec cette société attachante et ébranlée par une histoire cruelle. ♦