Les États et la Mer
Les mers ont cessé d’être un espace ouvert. Cent cinquante États réunis depuis 1973 au sein de la 3e Conférence des Nations unies sur le Droit de la mer essaient de définir un nouveau régime de l’espace marin, espace à trois dimensions, qui touche à l’alimentation, aux transports, à l’industrie, à l’énergie, aux matières premières, au commerce extérieur, à la stratégie, à l’environnement, à la recherche scientifique et dont les portions grandissantes font l’objet d’appropriations unilatérales. Mais bien qu’il soit commun à tous les pays, l’intérêt porté aux problèmes de la mer ne doit pas être compris comme exprimant le bien commun de la communauté des nations. On ne peut avoir une vue claire de cette tentative d’édification d’un nouvel ordre maritime international, de ses voies et de ses moyens, sans l’aborder par la spécificité, le particularisme propre à chaque État : tous d’ailleurs sont concernés par la mer.
Cette spécificité naît de situations différentes, selon les États, au regard de la mer, qu’il s’agisse de situations objectives ou de situations perçues par ceux-ci ; elle engendre des confrontations qui conduisent à des rapprochements ou à des oppositions.
L’étude de Laurent Lucchini et de Michel Voelckel vise précisément, au-delà peut-être d’une certaine forme du discours international, et en diversifiant les approches (géographique, économique, sociologique, juridique), à atteindre la réalité des comportements nationaux et nationalistes – ceux des « États en situation » et ceux des « États en confrontation » – qui bouscule parfois les clivages apparents et les notions reçues sur le milieu international du dernier quart de siècle. ♦