La République des petits papiers
Sur un ton de badinage superficiel qui serait sans doute mieux à sa place dans un dîner en ville que dans un ouvrage imprimé, Michel Bassi, journaliste politique chevronné et apprécié, aborde un sujet plus sérieux qu’il ne paraît, puisqu’il s’agit d’un élément très essentiel de la structure du pouvoir en France. Les cabinets ministériels (et présidentiel), qui sévissent depuis fort longtemps dans nos régimes républicains successifs, apparaissent à travers les analyses souvent subtiles que leur consacre Michel Bassi, à la fois comme une nécessité moderne du régime et un fléau national.
Leur nécessité tient à l’extrême complexité et à la lourdeur, sans cesse accrue, de l’appareil administratif de l’État centralisateur et accapareur : dans le créneau qui lui est confié, le ministre serait écrasé par l’appareil s’il n’entreposait pas entre lui-même et les services un organisme capable d’amortir les chocs et de transmettre les impulsions. Cet organisme devient un fléau lorsqu’il court-circuite les échelons administratifs et que les « petits papiers » échangés entre attachés de cabinet remplacent les études approfondies et les décisions mûrement réfléchies. Le fléau risque de dégénérer en catastrophe lorsque la diversité des formations, des tempéraments et des origines qui devrait caractériser le personnel d’un cabinet ministériel vivant et proche des réalités, disparaît au profit d’une espèce unique, dominante et dominatrice – celle de l’énarque qui est là pour faire carrière.
Il y a du vrai dans tout cela et du « bon à dire ». Mais le même sujet aurait pu être traité autrement : en faisant moins de place à l’anecdote, souvent venimeuse bien que toujours spirituelle au bénéfice d’une réflexion plus sereine. ♦