Le ministère de l’impossible
En confiant à Robert Poujade, en février 1971 [NDLR 2020 : et jusqu’en mars 1974], un nouveau ministère, celui de la Protection de la Nature et de l’Environnement, le président Georges Pompidou savait qu’il pouvait se fier à l’ouverture d’esprit et à la culture de l’agrégé de lettres, ancien normalien comme lui, mais aussi à l’habileté politique de l’ancien secrétaire général de l’UDR (Union des démocrates pour la République), député de la 1re circonscription de la Côte d’Or. C’était là des qualités éminemment nécessaires au titulaire de ce « ministère de l’impossible » où tout était à créer, très vite devant l’urgence des problèmes, sans s’aliéner les administrations qui s’occupaient déjà peu ou prou de « l’environnement ». Plutôt que de les déposséder, il convenait de fédérer leurs actions, de les coordonner, de les guider et de les animer.
Robert Poujade, s’il ne peut se vanter d’avoir remporté une victoire définitive, peut à bon droit rappeler aujourd’hui comment il a gagné cette première bataille. Pour tenir tête aux pollueurs et leur faire payer le juste prix de ces biens communs : l’eau, l’air, les forêts, qu’ils avaient pris l’habitude de gaspiller, il fallait de la lucidité, de la ténacité et une foi inébranlable en sa mission. La tâche était délicate, car il convenait de ne pas freiner pour autant le développement d’une industrie dont le retard par rapport à ses concurrentes européennes était patent et sur laquelle le président Pompidou misait pour faire progresser le taux de croissance français. Heureusement pour lui, Robert Poujade trouva dans des hommes comme Jérôme Monod et Serge Antoine de solides compagnons qui lui apportèrent le bénéfice d’une précieuse expérience acquise à l’aménagement du territoire.
L’aisance et le brio de l’écriture permettent au lecteur de pénétrer de plain-pied en ce domaine complexe de l’environnement, d’en saisir toute la richesse et d’en dégager la philosophie politique : Épargner le gaspillage de biens essentiels et précaires, éviter leur accaparement par les plus fortunés, en bref les rendre à la communauté est en effet « une des formes les plus efficaces et les plus modernes d’une politique de justice sociale ». ♦