Prospective de l’État
Conseiller d’État, jadis attaché au Cabinet du général de Gaulle, l’auteur est aujourd’hui secrétaire général adjoint de l’Union de l’Europe occidentale (UEO). Il avait donné dans notre revue, en juin 1974, un article sur l’art de « la négociation » en montrant qu’il impliquait une stratégie et n’était pas sans analogie avec celui de la guerre.
Aujourd’hui, par cet ouvrage, qui est le fruit d’une réflexion nourrie par une riche expérience administrative acquise à des postes de responsabilité importants, Alain Plantey se propose de faire prendre conscience de la remise en question des données traditionnelles de la politique, de l’administration, de la diplomatie et du droit, du fait de certains phénomènes sociaux contemporains : la féminisation des cadres politiques et administratifs, dont le mouvement massif et irréversible touche la chose publique tout entière ; l’automatisation et l’introduction de l’informatique, qui remettent en question certaines des données fondamentales du droit, de la liberté individuelle et les rapports entre les pouvoirs publics : l’amélioration des moyens de prévision, qui oblige les dirigeants à planifier plus rigoureusement leurs objectifs et à se soucier de l’efficacité et du rendement de leur administration ; l’internationalisation des problèmes, qui fait qu’aucun État, aucune administration nationale ne peut ignorer l’action de ses voisins étrangers ni des grandes organisations régionales ou mondiales. Ainsi se constitue un nouveau droit international qui réduit le nationalisme et va jusqu’à déposséder partiellement l’administration nationale de ses responsabilités.
Devant ces phénomènes nouveaux auxquels il faudrait ajouter le fait nucléaire – et l’on regrettera sans doute que l’auteur ne lui ait pas accordé plus d’importance – l’État réagit et évolue au niveau de ses grands pouvoirs, de ses corps et de son administration, en dépit du « conservatisme foncier de la société française », de « la timidité de ses élites » et du « goût général pour les théories, les droits acquis et les organigrammes ».
Comment orienter cette évolution ? Comment concilier l’autorité, l’efficacité de l’État avec les droits des citoyens ? En répondant à ces questions, Alain Plantey affirme sa foi dans la capacité de la France de conduire la mutation qui doit s’opérer de façon prudente, en évitant toute rupture. Mais il ne cache pas que « l’appareil collectif coûtera de plus en plus cher aux individus ; il ne se soustraira pas à la grande loi de l’accroissement du pouvoir. On peut simplement l’espérer meilleur, plus efficace et plus juste ». ♦