Avec les otages du Tchad
Ce reportage de Thierry Desjardins dans le Tibesti de Hissein Habré n’apporte pas, au point où nous en sommes actuellement, de lumières particulières sur les aspects politiques des négociations en vue de la libération de Mme Claustre. Les informations qu’il a recueillies ont un caractère fragmentaire et se bornent le plus souvent à ce que lui en ont dit le mari de l’ethnologue française et le chef des rebelles Toubous, le tout complété à la lumière des déclarations faites à la radio de N’Djamena par le gouvernement tchadien. On peut le regretter car un informateur objectif aurait tout de même dû, quitte ensuite à marquer son désaccord, recueillir le point de vue du ministère de la Coopération.
Mais en fait, le propos de Thierry Desjardins n’était pas vraiment de découvrir toute la vérité sur tous les aspects de cette affaire. Comme il se doit dans le cas d’un « grand reporter », il semble avoir été tenté par l’aventure, qui consistait à découvrir le Tibesti – un des coins les plus mystérieux et les moins fréquentés de l’Afrique – dans des conditions assez acrobatiques, puisqu’il y fut amené par le mari de Mme Claustre pilotant un petit avion de tourisme démuni de toute autorisation régulière de vol, et qu’il était assuré de pouvoir y rencontrer Hissein Habré en personne, entouré de ses guerriers, à une époque où ce personnage curieux n’avait pas encore bénéficié de toute la publicité qui lui a été faite depuis.
Et il faut bien reconnaître que sur le plan du pittoresque, le reportage est tout à fait réussi. Le pays est bien décrit, sans complaisance, mais sans non plus en méconnaître le charme et l’originalité. Les Toubous sont « croqués » avec adresse, bien qu’à traits indécis (ce qu’on ne saurait reprocher à l’auteur après un voyage de quinze jours seulement). Hissein Habré, intellectuel dévoyé et brigand, mythomane, est campé avec relief, mais sans doute avec une excessive bienveillance. Le périple de l’auteur à travers les sables, le caillou et les oasis est paré de tout l’exotisme souhaitable et le suspense – s’en tirera-t-il ? ne s’en tirera-t-il pas ? – est ménagé avec un incontestable métier.
Ajoutons encore pour ceux qui connaissent ce pays et qui avaient été quelque peu surpris de la facilité apparente de l’évasion de Marc Combe, que Thierry Desjardins (qui était déjà rentré en France, mais s’est longuement entretenu avec Combe au retour de celui-ci à Paris) apporte sur cet épisode des précisions intéressantes et parfaitement crédibles, qui dispensent d’en chercher l’explication dans les archives des services secrets internationaux. ♦