Un pont trop loin (Arnhem, septembre 1944)
Dans un long et riche ouvrage qui se lit comme un roman, Cornélius Ryan relate la bataille d’Arnhem de septembre 1944 dont Montgomery espérait bien qu’elle serait décisive et mènerait à la fin de la guerre sur le front de l’Ouest avant le début de 1945. Il le fait suivant sa méthode habituelle que certains ont appelée « pointillisme historique » et qui consiste en des témoignages ponctuels dans le temps et dans l’espace, d’importance variée, parfois très secondaire.
Cette méthode, si elle a l’inconvénient par le choix des témoignages de mettre trop souvent l’accent sur le rôle « sensationnel » des événements, présente le grand avantage de très bien rendre l’ambiance du moment, ou du moins celle que les témoins ont conservée dans leurs souvenirs.
Une autre qualité de l’ouvrage réside dans le fait que, d’un bout à l’autre, on suit très clairement le déroulement de l’ensemble des combats ; son enjeu, ses difficultés, ses hasards, la place des principaux épisodes, l’acharnement mis dans les deux camps jusqu’à l’échec final du côté allié sont bien mis en valeur avec la logique implacable d’un drame bien construit.
Sur le fond, les lecteurs resteront libres de choisir entre deux jugements.
Certains penseront que l’audace du plan du pourtant très prudent Montgomery se justifiait, même au prix de fortes pertes, par l’enjeu d’un raccourcissement de la guerre ; que l’armée allemande en pleine déroute au début de septembre ne pouvait pas raisonnablement être jugée capable d’un tel rétablissement ; qu’il était indispensable de saisir très vite cette occasion, même au prix d’une préparation accélérée ; enfin, qu’au total l’opération n’a échoué que par suite de l’accumulation de hasards malheureux dont la plupart étaient imprévisibles.
D’autres, au contraire, se montreront plus sévères envers le commandement allié allant au-devant d’un échec inévitable. Ils taxeront de légèreté l’appréciation ou l’organisation des principaux éléments qui se révéleront être les causes principales de l’échec : la mauvaise interprétation de renseignements connus sur la présence des restes de deux Panzer dans la région d’Arnhem : l’évasion, préalablement négligée, de la XVe Armée allemande quasi encerclée, et sa reprise ultérieure des combats : la faillite complète des transmissions au sein des unités aéroportées ; la sous-estimation des difficultés du terrain et des conditions météorologiques ; la saisie enfin, par les Allemands sur le cadavre d’un officier allié, des plans complets de l’opération dès son début.
Mais quel que soit le choix des lecteurs, ils resteront reconnaissants à Cornélius Ryan de leur avoir permis de le faire en présentant l’opération d’Arnhem [Market Garden] avec beaucoup d’objectivité. ♦