La fin des miracles économiques
Avec cet ouvrage, dont le titre est à notre avis beaucoup trop restrictif, Ferenc Jannosy, un ingénieur et économiste hongrois étroitement associé dans son pays à la planification d’État, nous convie à une ample réflexion sur les causes et les ressorts du développement économique dans le monde. Ce qu’on a appelé les miracles économiques – et l’auteur pense surtout à l’Allemagne de l’Ouest, au Japon et à l’Italie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale – ne sont en réalité, nous dit-il, que de simples péripéties, qui s’expliquent par les nécessités de la reconstruction, mais qui ne doivent pas masquer une tendance générale remarquablement stable qui maintient – ou ramène tôt ou tard – chaque pays dans la voie qui lui est tracée par sa vocation originale.
Les réflexions de l’auteur s’appuient, au départ, sur une documentation statistique très abondante et de premier ordre (dont les références sont réunies en annexe à la fin du volume). Il l’a utilisée pour tracer un certain nombre de courbes dont il a cherché ensuite à s’expliquer l’allure générale, les points d’inflexion, les accidents. De proche en proche, et de raisonnement en raisonnement, il est arrivé ainsi à dégager toute une série de relations entre les facteurs déterminants de l’évolution économique : accroissement de la productivité, taux d’investissement, structure des postes de travail, structure professionnelle, etc.
Dans l’application de cette méthode excellente. Ferenc Janossy déploie une grande subtilité. Pour être vraiment compris et assimilé, son ouvrage demande un effort attentif et une certaine habitude du raisonnement mathématique appliqué à l’économie. Mais, à ce prix, c’est un ouvrage enrichissant et qui ouvre des perspectives très originales sur l’avenir économique des nations. Notons en passant que l’auteur – et pour cause – est très familiarisé avec la pensée économique de Marx et s’essaye, en maintes occasions, à transposer les déductions du maître, pour les rajeunir, en langage économique moderne. Le résultat est souvent inattendu et cet exercice de style est loin d’être dénué d’intérêt.
La traductrice, Françoise Barner, a beaucoup de mérite. Elle a eu à lutter contre les amples circonvolutions d’un texte en allemand, que la nature et la complexité du sujet devaient rendre particulièrement embarrassantes pour une Française. Elle s’en est tirée au mieux des possibilités de notre langue. ♦