La Société française. T. II : 1914-1968
Il a été rendu compte du 1er tome du présent ouvrage, couvrant la période 1840-1914, dans le numéro de mars 1970 de notre revue. La plupart des remarques faites à l’époque restent entièrement valables en ce qui concerne ce 2e tome. L’auteur, estimait alors notre critique, n’avait pas réussi à prendre, par rapport à l’enchevêtrement des innombrables « faits sociaux » qu’il avait soigneusement passés en revue et analysés, le recul qui aurait permis (au prix, il est vrai, d’une simplification certaine) de donner au lecteur le sentiment subjectif qu’il pénétrait avec ce livre dans une réalité vécue et non dans un système de courbes et d’équations.
S’agissant d’une période beaucoup plus récente, la nécessité d’échapper à tout subjectivisme ne pouvait être que plus impérativement ressentie par l’auteur. Mais ses efforts dans ce sens risquaient aussi d’achopper plus sûrement sur un certain nombre de convictions que les statistiques les plus rigoureuses et le mieux interprétées n’étaient pas en mesure d’ébranler chez les témoins des événements que nous sommes.
Pierre Sorlin a voulu, nous semble-t-il, se prémunir contre ce danger par une sorte de « fuite en avant ». Puisque le lecteur, en tout état de cause, ne serait pas convaincu par les chiffres et par les faits, eh bien ! on essayerait de le faire réfléchir sur une profession de foi qui ne serait pas la sienne, mais celle de l’auteur, présentée avec documents à l’appui.
Le résultat est, qu’on le veuille ou non, un ouvrage qui ressortit au débat politique au moins autant qu’à la recherche sociologique objective.
Son mérite – et c’était déjà le cas du 1er tome – tient au nombre et à l’intérêt, en quelque sorte, ponctuel, des informations qu’il nous donne, touchant à tous les domaines et à tous les aspects de la vie en société. Il est complété par une très remarquable documentation iconographique qui, tout autant, sinon mieux, que le texte, nous décrit la société de l’époque. Il contient également un tableau chronologique des événements, classés suivant quatre rubriques : société, économie, vie spirituelle et intellectuelle, problèmes intérieurs et problèmes internationaux ; ce tableau permet de faire des rapprochements extrêmement suggestifs et intéressants. Enfin, une bibliographie systématique très utile et un index pour faciliter les recherches complètent cet ouvrage qui, pour ne pas être entièrement convaincant, constitue néanmoins une contribution très appréciable à la connaissance de notre temps. ♦