Histoire de la traite des Noirs de l’Antiquité à nos jours
Le très grand intérêt de ce nouvel ouvrage d’Hubert Deschamps est dû à une circonstance qui peut paraître au premier abord déroutante : l’auteur connaît très exactement ce dont il parle. Comme administrateur colonial à Madagascar, à Djibouti, en Côte d’Ivoire et au Sénégal, il a été le témoin des avant-derniers soubresauts de la traite et il a connu cet esclavage de fait qui subsiste encore aujourd’hui dans de nombreux coins d’Afrique, comme dans l’Arabie des « Émirs à Cadillac ». Il était donc, mieux que quiconque, à même, en partant d’une expérience concrète du sujet, de remonter aux origines et d’expliquer tous les tenants et aboutissants d’une des activités les plus fructueuses, et les moins clandestines pendant des siècles, du commerce international à travers le monde.
N’oublions pas non plus qu’Hubert Deschamps, après avoir été administrateur, est devenu un très savant professeur d’Histoire à la Sorbonne, ce qui explique, sans doute, l’érudition à proprement parler surprenante dont témoigne chaque page de son livre. Assez curieusement, c’est cependant cet excès d’érudition qui pourrait lui être reproché. Tant de faits et de chiffres accumulés, tant d’auteurs ou de témoins cités et commentés, tant d’anecdotes racontées, laissent peu de place aux vues d’ensemble, qui se trouvent rejetées – trop brièvement, à notre goût, et globalement – tout à la fin du volume. Nous aurions préféré une alternance mieux ordonnée des faits et des réflexions qu’ils suggèrent. Cette observation n’enlève évidemment rien à la valeur historique de l’ouvrage, dont un autre mérite, après ceux que nous avons cités, est d’avoir traité le sujet dans son ensemble, c’est-à-dire sans le limiter, comme le font la plupart des auteurs, à la seule traite atlantique, la plus connue, mais ni la seule, ni la moins cruelle. La traite dans le monde romain, la traite musulmane, eurent, à différentes époques, une importance considérable et une influence certaine sur les relations entre les pays de race blanche et entre ceux-ci et l’Afrique. Aucune perspective historique sur le sujet de la traite des noirs n’est complète s’il n’en est pas tenu compte. L’ouvrage d’Hubert Deschamps échappe complètement à ce genre de critique. ♦