Le désordinateur. Le péril informatique
« Plus enclins à se passionner qu’à s’instruire, nos contemporains célèbrent avec tant de lyrisme les services réels et imaginaires rendus par les ordinateurs qu’ils en négligent les contraintes, les nuisances. Les désillusions qui suivent une découverte sont à proportion des illusions qui la précèdent ou qui l’accompagnent ». Ces lignes précisent l’intention générale de Georges Elgozy. Dans maintes performances signalées pour illustrer les vertus de l’ordinateur, notamment en ce qui concerne l’aide à la décision, les résultats eussent été du même ordre, selon Georges Elgozy, avec une simple machine à calculer, une règle à calcul, un crayon.
Parfois, le seul bon sens eût suffi. Rien n’est plus dangereux que de prendre en considération les conclusions d’une calculatrice qui quantifie à la fois le quantifiable et l’inquantifiable – et la « valeur » est par essence inévaluable. Pour aider à la décision, il n’est jamais recommandable d’exécuter des calculs rigoureux sur des données douteuses. Trop souvent, les informations utiles sont à tel point diluées dans les inutiles que l’ordinateur se noie. En fin de compte et de mécompte, aucune machine n’aura fait perdre plus de temps à l’homme que celle qui réagit au milliardième de seconde, ce qui illustre la vulnérabilité du gigantesque !
Georges Elgozy n’a pas écrit un requiem pour ordinateurs, mais une prière pour leur bon usage. « Après vingt ans d’innovations en chaîne, notre société dispose d’ordinateurs ultrarapides, ultra-puissants, ultra-fiables, dont la perfection contraste avec l’ébauche ultra-négligée de leurs applications ». Sans doute Georges Elgozy aime-t-il le paradoxe. Il le rappelle en citant Paul Valéry : « Un homme tirait au sort toutes ses décisions. Il ne lui arriva pas plus mal qu’aux autres, qui réfléchissaient ». Mais au-delà de cet humour apparaît le souci d’aider à mieux comprendre certaines contradictions et certaines faiblesses de notre temps. À l’ère de l’ordinateur comme avant elle, le grand problème de la décision se pose non en termes de calculs aveugles, mais en termes de raisonnement. ♦