De la Chine
L’auteur, ex-correspondante de l’Unità à Paris, avait déjà dans ses Lettres de l’intérieur du parti (Éditions Maspéro, 1970) donné un exemple de sa liberté d’expression critique. Elle en fait un nouvel usage ici.
Ayant accompli un premier voyage en Chine en 1954, elle a pu faire d’utiles comparaisons en y revenant d’octobre à décembre 1970 comme première personnalité communiste occidentale à y être invitée à nouveau après la rupture sino-soviétique. Elle a pu, en toute liberté sillonner le pays en tous sens, y interroger paysans, ouvriers, ingénieurs, médecins, professeurs et étudiants. Elle a ainsi recueilli le témoignage d’une multitude d’hommes et de femmes de tous âges et de toutes conditions. Très souvent, elle se borne à rapporter leurs déclarations dans leur simplicité, d’où l’importance de cet épais volume qu’on peut lire de deux façons et avec des résultats fort différents : ou bien on l’aborde décidé à juger la Chine suivant nos critères cartésiens et suivant les normes d’une société industrielle occidentale : alors on ne tardera pas à repousser l’ouvrage, excédé par la naïveté et le caractère stéréotypé des propos, par l’évocation, à longueur de page, du génie de la pensée de Mao et la mention périodique de la traîtrise du renégat Liu-Shao-chi. Ou bien on le lit sans préjugé et avec la volonté de comprendre la Chine, d’écouter parler hommes et femmes du peuple et de chercher à saisir les raisons d’une telle unanimité enthousiaste qu’ils expriment, du nord au sud, à travers les diversités des âges et des « conditions ». Alors la lecture devient plus qu’intéressante.
Il est d’ailleurs facile au lecteur de bonne foi de faire la correction qui s’impose face à une vision de la Chine qui ne cèle pas son parti pris, moyennant quoi le livre de Maria-Antonietta Macciocchi lui apprendra beaucoup et lui permettra d’appréhender des points essentiels à la compréhension de la Chine d’aujourd’hui et en particulier les racines de l’immense prestige de Mao auprès de son peuple et la vénération que celui-ci lui voue, l’originalité de « l’hypothèse chinoise » et les véritables raisons de la révolution culturelle et du combat contre le révisionnisme qui aurait abouti à la création de nouvelles classes au détriment de la masse paysanne. L’ouvrage ne se limite pas à ces explications utiles, il fournit aussi une multitude de notations concrètes et vivantes sur la vie quotidienne à Pékin, dans les ports, dans les usines et les campagnes, sur la vie des femmes, leur libération et la part qu’elles prennent à la politique et au développement économique et social, sur la popularisation de la médecine, etc. Chemin faisant, l’auteur fait litière de nombreux contresens répandus en Occident à propos de certaines expressions typiques de Mao Tsé-Toung, telles que « Le pouvoir est au bout du fusil » ou « La bombe atomique est un tigre de papier ». Il fournit des données détaillées précises sur l’organisation et le fonctionnement des organes du PC chinois et des Comités révolutionnaires, des indications plus sommaires sur l’industrie chinoise et enfin sur l’Armée populaire de libération (APL) et sa participation au développement dans tous les secteurs.
En vérité, de tous les ouvrages sur la Chine d’aujourd’hui, celui-là paraît être à la fois l’un des plus sérieux, des plus complets et, en dépit de son engagement – ou peut-être à cause de lui – l’un des plus honnêtes. ♦