Méditerranée rouge. Un nouvel empire soviétique ?
Cette étude consciencieuse, mais longuement développée, sur les buts et les chances de réussite de la pénétration soviétique en Méditerranée, pourrait être une suite des nombreux articles qui ont, depuis quinze ans, montré comment le repli des puissances colonisatrices de l’Europe occidentale ouvrait la route à une vaste manœuvre de leur débordement par le sud. Ces articles évoquaient une menace ; ce livre en analyse la réalisation. Dans le domaine militaire, comme dans les domaines idéologiques et politiques, les pays arabes du Moyen-Orient – accessoirement du Maghreb – semblent à l’auteur offrir un terrain peu solide à une implantation soviétique qui ne pourrait s’y affirmer qu’au prix d’une véritable colonisation de forme classique : les armées locales, les opinions publiques, les croyances religieuses et politiques, les économies nationales récentes sont trop fluctuantes et fragiles pour être, avant longtemps, des aides efficaces. Si l’implantation soviétique s’étendait cependant, un poids nouveau s’ajouterait « au fardeau de l’homme rouge », qui doit déjà porter, de plus en plus difficilement, celui des satellites européens.
Malgré ces données peu favorables, la tentative de Moscou de s’étendre dans le bassin méditerranéen, par personnes interposées, reste cependant un fait dont il serait téméraire de minimiser le danger. Michel Salomon voit, dans le « cessez-le-feu » du mois d’août 1970 entre Israël et les États arabes « un nouveau Yalta », donc un partage des zones d’influence entre Moscou et Washington, précaire mais peut-être durable ; il pourrait conduire à l’établissement d’une sorte de condominium soviético-américain qui apporterait la paix aux pays en guerre et amorcerait à échéance une véritable détente en Méditerranée. L’auteur connaît bien la question ; son opinion ne peut être rejetée a priori. Les accords de Yalta (1945) ont permis, vaille que vaille, d’assurer la paix en Europe centrale depuis un quart de siècle. Mais la ligne de démarcation du 17e parallèle au Vietnam n’a point eu d’aussi heureux résultats.
De fait, le mérite de Michel Salomon est de faire le point de la situation présente, dont les développements restent bien hypothétiques. ♦