Napoléon est mort en Russie
Ce récit anecdotique de la conspiration du général Malet, directement et simplement centré sur son objet et dépourvu de toute considération sur la philosophie des événements, est mené avec entrain, avec humour et sans doute une certaine sympathie pour celui qui sut imposer, pendant quelques heures à des unités de la garnison de Paris, la croyance en cette mort qu’il avait inventée de Napoléon tombé sous les murs de Moscou.
L’affaire avait de quoi tenter un journaliste, car elle est extraordinaire, cocasse et tragique à souhait. Guido Artom a su la restituer de façon très vivante en exposant d’abord le déroulement des faits et en n’expliquant qu’ensuite leur genèse dans l’esprit de cet aigri contestataire qu’avait été, tout au long de sa carrière, le général Malet.
Sur le fond de l’affaire, ce livre n’apprendra vraisemblablement rien à ceux qui connaissent l’histoire de l’Empire. Sur les détails, il les renseignera amplement et leur montrera comment, suivant l’expression consacrée, un grain de sable peut suffire à détraquer la machine en apparence la plus solide. En fait, la conspiration de Malet ne fut qu’un incident mineur ; elle était, de par la nature des choses, destinée à réussir et à échouer aussitôt ; éclatant au cours d’une nuit froide et pluvieuse – celle du 12 octobre 1812 – dans quelques cours de casernes endormies, exploitant la discipline normale de subordonnés surpris et agissant par réflexe, se transposant un instant dans les ministères et se heurtant à la police militaire soupçonneuse par principe, elle prend fin aussi soudainement qu’elle avait débuté. Certes, à l’annonce de la mort de Napoléon, personne n’a immédiatement songé au roi de Rome [le fils de Napoléon]. Les historiens ont souvent signalé le fait ; il ne faut pas, à notre avis, en tirer argument, en raison de la soudaineté et de la brièveté de l’événement. Épisode un peu en marge de l’opposition à l’Empire, ce complot réduit à quelques conspirateurs ne prend de signification que par les grands événements qui marquent le déclin de Napoléon.
Il n’en reste pas moins que ce « reportage » a posteriori est bienvenu et mérite sa place parmi les nombreux ouvrages qu’a fait éclore le bicentenaire de la naissance de l’Empereur.