Le soldat oublié
Aucune anthologie des récits inspirés par la Seconde Guerre mondiale ne pourra, nous semble-t-il, se dispenser d’emprunter de larges extraits à cet ouvrage. Un jeune homme, né de père français et de mère allemande, est incorporé dans la Wehrmacht alors qu’il n’a que dix-sept ans et fait pendant trois ans la campagne de Russie, jusqu’au moment où, fait prisonnier par les Anglais, il est libéré par les autorités militaires françaises en sa qualité de Français.
Il raconte son histoire, celle de ses corvées et de ses combats dans une unité de la division Gross Deutschland, celle de la débâcle des armées allemandes sous la poussée des armées soviétiques, avec une précision et une force d’évocation remarquables ; ces pages font infailliblement penser aux souvenirs écrits par ceux des combattants de la Grande Armée qui, du temps de Napoléon, connurent le même ennemi, le même climat et presque la même défaite. C’est la guerre vue par un soldat du rang, face aux faits et sans critique ni amertume contre les chefs éloignés qui commandaient ces fronts immenses ; toute considération stratégique est absente et même toute description tactique. Guy Sajer parle comme un ouvrier pourrait parler de son travail, mais d’un travail qui s’effectuerait dans une ambiance d’apocalypse. Le drame moral est, par instants, pudiquement évoqué : Sajer a cru en la mission de l’Allemagne et il a été convaincu qu’il combattait pour ses deux patries. Le véritable drame humain n’est d’ailleurs pas là : il est dans la maturation d’un adolescent au contact de la guerre sous sa forme la plus rude et la plus brutale, d’un adolescent qui, devenu homme, n’est pourtant qu’un enfant cruellement traumatisé.
Nous ne saurions trop recommander la lecture de ce livre, l’un des plus poignants qu’il nous ait été donné de lire sur cette période de l’histoire. ♦