Le siège de Léningrad
Le siège d’une ville, notamment d’une grande cité, est une exception dans les guerres modernes. Celui de Leningrad présente en conséquence un intérêt particulier. En fait, la ville n’a jamais été assiégée, du moins dans le sens que ce mot évoque ; elle a été encerclée de loin, et incomplètement, puisqu’il est toujours resté avec le territoire soviétique non occupé par les Allemands une voie de communication, certes difficile et précaire, à travers le lac Ladoga, mais suffisante cependant pour empêcher l’asphyxie progressive de cette agglomération de près de quatre millions d’habitants. De plus, aucun véritable assaut n’a été donné à la ville, devant laquelle Hitler hésitait entre différentes solutions : la raser entièrement, en laisser fuir les habitants, les exterminer tous… Ce qui donne à ce siège un rythme très différent des attaques réglées d’autrefois.
L’auteur a moins insisté sur les opérations militaires proprement dites que sur l’organisation de la défense de la ville. Il donne à ce sujet de fort nombreuses indications chiffrées, permettant au lecteur de se rendre compte de la multiplicité et de la diversité des questions pour lesquelles les dirigeants devaient trouver la solution : constitution de forces militaires ou paramilitaires pour augmenter le nombre des défenseurs, évacuation des bouches inutiles, surveillance contre le défaitisme ou l’infiltration des agents à la solde de l’ennemi, ravitaillement en vivres, lutte contre les calamités résultant de la guerre : bombardements, épidémies ; reconversion des industries à des fins de défense et de subsistance… La liste n’est pas épuisée. Il est certain que l’exemple de Leningrad offre des sujets d’étude et de réflexion innombrables, sur des points particuliers comme sur l’ensemble des problèmes qu’une grande ville – ou une région isolée – doit résoudre par elle-même en cas de guerre.
La leçon essentielle est l’efficacité de l’armature d’encadrement fournie par le parti communiste à la population. Malgré les imprévoyances, malgré les inévitables désordres et tâtonnements des premiers mois du siège, la population s’est trouvée en permanence répartie, surveillée, dirigée et soutenue par l’organisation préexistante de l’appareil politique. Celui-ci se révèle ainsi être, dans les cas de crise grave comme en temps de paix, un instrument de combat dont la valeur ne saurait être sous-estimée.
Il est regrettable que le texte, malgré une traduction française claire et précise, ne soit pas plus nettement divisé en chapitres et en paragraphes. Le lecteur s’essouffle un peu au cours des longues pages massives qu’il lui faut absorber. Il y aurait eu intérêt, nous semble-t-il, à donner à cette étude documentaire une forme qui l’aurait rendue plus facile à consulter, et non celle d’un long récit.
Ce livre est néanmoins d’un intérêt évident.