Laval 20 ans après
Le temps est-il venu – vingt ans après – où, comme l’a pensé Guy Betchel, il est possible d’écrire sur Pierre Laval un livre objectif, et qui emporte l’adhésion de tous les lecteurs ? Il ne le semble pas. L’auteur souligne fortement qu’il était un enfant lorsque la dernière guerre a pris fin, que rien ne l’a attaché à Laval, et qu’il réunit donc les conditions d’une complète objectivité. Mais il ajoute aussi qu’après s’être penché pendant deux ans sur l’histoire de l’homme dont il entreprenait de décrire la vie et les actes, il s’est pris d’intérêt pour lui. Le fait est sensible : le livre n’est certes pas un plaidoyer pour Laval, mais c’est une thèse compréhensive des actions et des motifs de ce dernier. Il ne pouvait guère en être autrement : Laval fait encore partie de l’actualité ; un livre, écrit par un autre auteur avec le même souci d’objectivité et la même absence de passion pourrait rendre, tout aussi légitimement, un autre son.
Le lecteur lui-même réagit suivant ses propres opinions et ses propres souvenirs. Lorsqu’il ouvre un livre comme celui-ci, il est inconsciemment disposé à admettre ou à ne pas admettre certaines explications.
C’est d’ailleurs ce qui rend cette lecture particulièrement intéressante. Il est toujours bon de confronter ses réactions profondes et souvent irraisonnées avec un exposé clair. C’est une méthode efficace de la recherche de la vérité.
Le livre de Guy Betchel est d’abord un recueil d’innombrables anecdotes sur la vie de Pierre Laval, ce qui le rend attrayant, intéressant, parfois amusant. Mais au-delà de ces anecdotes, c’est un portrait psychologique complet que dresse l’auteur, suivant un procédé en apparence facile, en réalité fort difficile, et dont il faut reconnaître que l’auteur use avec maîtrise. Plutôt que de suivre un ordre chronologique rigoureux, celui-ci a groupé les traits qu’il voulait retenir et souligner dans des chapitres dont les titres, à eux seuls, forment un portrait : débutant, avocat, paysan, maquignon, riche, socialiste, pacifiste, anti-anglais, anti-allemand, anti-parlementaire, collaborateur (première et seconde manières), temporisateur, nationaliste, illuminé, antigaulliste, républicain.
Chaque terme est développé, prouvé, complété, dans un texte particulièrement dense, tout en restant alerte.
Œuvre de bonne foi, elle mérite l’estime, et il faut souhaiter que nombreux en soient les lecteurs. Et peut-être, après tout, contribuera-t-elle à éteindre des passions et des rancunes, bien qu’elles soient également tenaces. ♦