Esthétique. T. V : De la Théorie harmonique
Dans le numéro de la Revue de juin 1958, nous avions, en rendant compte du livre d’André Lamouche intitulé : L’Homme dans l’harmonie universelle, succinctement résumé de théorie harmonique, théorie philosophique renouvelant et synthétisant, en fonction des apports de la science et de la pensée modernes, les bases mêmes des théories philosophiques antérieures. Développant cette philosophie dans un ouvrage de dimensions beaucoup plus vastes que celles du livre cité plus haut, l’auteur a publié, sous le titre général La théorie harmonique, cinq tomes qui seront suivis d’un sixième. Après Le principe de simplicité dans les mathématiques et les sciences physiques, Biologie, Psychologie, Logique de la Simplicité, et avant D’une morale de l’Amour à une sociologie de la raison, il publie une Esthétique. Cet ouvrage comprend trois parties : dans la première, l’auteur relie à l’ensemble de la théorie la place de l’art dans les activités humaines ; dans la seconde, il fait une critique de l’art moderne ; dans la troisième enfin, il exalte la spiritualité de l’art.
Après avoir discuté des rapports entre le Vrai et le Beau, et dénié que l’Art puisse prendre pour objet le Faux et le Laid, André Lamouche expose que l’homme connaît deux réalités : une réalité intérieure, faite d’intuition et de réflexion, une réalité extérieure, faite de perception et d’action. Aucune hiérarchie ne doit être admise entre ces deux réalités qui se complètent, mais dont la complémentarité ne crée un effet artistique que si elle reste harmonieuse et respecte les rythmes propres à chacune des deux réalités. C’est dans l’esprit de l’homme que ces harmonies et ces rythmes résonnent et se transforment, suivant des alternances qui proviennent de la part plus ou moins grande prise par l’imitation ou par l’invention. L’art et la sensation esthétique proviennent, sinon d’un équilibre absolu, du moins d’un apport convenablement dosé de ces différents facteurs. L’art ne peut être simple imitation de la Nature ; mais il ne peut être davantage falsification de celle-ci. Comme la science, l’art recherche avant tout l’harmonie du monde. Cette harmonie ne peut exister si la morale est négligée. Science, Morale, Art, sont des efforts de l’esprit humain pour s’élever au-dessus de la condition matérielle, pour se libérer d’être à la fois si peu et tant de choses devant le silence du cosmos.
On pense bien qu’après une telle démarche de la pensée, l’auteur, lorsqu’il considère l’art moderne, n’y trouve pas l’idéal qu’il s’est fixé. Un lecteur que n’auraient pas retenu les conceptions purement philosophiques de la première partie, s’intéresserait certainement, dans la deuxième partie de l’ouvrage, à une suite de considérations qui portent directement sur le quotidien et sur l’actuel. Qu’il s’agisse de littérature, de peinture, de cinéma, André Lamouche fait une critique impitoyable des essais de ce qui de nos jours s’appelle l’Art, mais ne l’est pas. Et, même sans faire appel à des références philosophiques, le bon sens de la grande majorité des lecteurs le suivra certainement dans ses conclusions.
Puis, dans une troisième partie, revenant à des préoccupations moins immédiates en apparence, l’auteur magnifie la spiritualité de l’homme et de l’art qu’il est le seul à pouvoir créer, comme une manifestation de sa supériorité sur le reste de la création.
Ouvrage de lecture austère, certes, mais attachante, plein de pensées intéressantes et neuves, ainsi que d’aperçus profonds, l’Esthétique d’André Lamouche mérite largement d’être lue par un public nombreux, celui qui, de plus en plus vaste, écoute ou voit les manifestations de l’Art dans la vie de tous les jours : cinéma, télévision, radio, disques, urbanisme, et désire que sa diffusion serve et maintienne sa pureté et son rôle, au lieu de conduire à la mystification et à la trahison. ♦