La révolution cubaine
Après un historique de la révolution cubaine, dont on peut regretter qu’il n’est pas toujours aussi clair qu’on le pourrait souhaiter, Claude Julien, dans un long et remarquable chapitre de conclusion, tire les leçons de ce qu’il a vu à Cuba. Il faut noter que ce livre a été écrit bien avant les événements d’avril 1961 et de l’échec de la tentative contre-révolutionnaire.
L’opinion de l’auteur est que Fidel Castro voulut initialement entreprendre une révolution économique sans recourir aux méthodes communistes. Mais Washington réagit violemment d’entrée de jeu, et dès lors « le glissement » devint à peu près inéluctable. Les maladresses de la diplomatie et de l’économie américaines creusèrent les cheminements, puis les vastes entrées par lesquelles s’infiltrèrent, puis s’engouffrèrent les idées, les méthodes, les techniciens d’au-delà du Rideau de fer. Et la comparaison vient tout naturellement à l’esprit de l’attitude de Washington, qui n’a pas su adopter une doctrine ferme devant le neutralisme des peuples colonisés politiquement ou économiquement, avec celle de la Russie soviétique, qui, au moment de l’insurrection hongroise, n’hésita pas à recourir à la force brutale, devant un monde qui ne réagissait pas.
L’auteur voit dans l’affaire cubaine bien autre chose que l’implantation d’un pays communiste aux portes de l’Amérique ; il estime que la perte du contrôle des sucres cubains par les États-Unis annonce la perte du contrôle d’autres produits du Tiers-Monde, indispensables à l’économie américaine ; il pronostique que « le combat sera sans pitié » et ne pourra « se limiter aux États-Unis et à Cuba ».
C’est peut-être là une affirmation bien péremptoire, dans un domaine où les choses sont moins tranchées et moins déterminées longtemps à l’avance.
On lira cependant ce livre avec intérêt. Il pose, à propos de la question cubaine, plusieurs des graves problèmes de notre temps. ♦