Bazaine, coupable ou victime ?
« À la lumière de documents nouveaux », les deux auteurs ont entrepris la tâche délicate de répondre à la question posée dans le titre, question que tous ceux qui ont lu l’histoire de la guerre de 1870 se sont posée, et à laquelle il n’a jamais été donné de réponse satisfaisante. Celle que donnent les généraux Ruby et Regnault ne convaincra pas le lecteur. Les auteurs estiment qu’il est clair que Bazaine n’a pas trahi, mais qu’il « reste au passif du Maréchal nombre d’insuffisances, de faiblesses, d’erreurs » ; ils jugent qu’il ne fut pas un incapable, mais qu’il « succomba sous les difficultés de la tâche et l’ampleur de son commandement » ; enfin, ils pensent qu’il fut victime « de son obéissance et de sa fidélité à ses souverains ».
Cette opinion des auteurs, résumée dans les dernières lignes d’un livre abondant en considérations nuancées, dans lesquelles sont rappelées les circonstances du drame de l’armée française en 1870, conduit le lecteur à proposer sa claire conclusion, au seul vu des arguments développés dans l’ouvrage. Bazaine n’a pas trahi sciemment ; il s’est montré incapable de faire face à une situation militaire et politique difficile ; il a manqué d’autorité sur ses subordonnés. Pour répondre à la question posée par le titre, il s’est montré à la fois coupable et victime, coupable d’indécisions graves, victime d’une suite d’événements à la hauteur desquels il n’a su se hausser.
Conclusion décevante, certes, pour qui voudrait une réponse par oui ou par non, mais conclusion raisonnable, si on tient compte de l’exposé fait par les deux auteurs, exposé consciencieux, complet, bien que mené dans un esprit initialement favorable à Bazaine.
Les passions déchaînées du temps du procès de Bazaine se sont éteintes. Mais y aura-t-il jamais un verdict objectif, dans une affaire où les faits sont si complexes qu’ils peuvent difficilement être ramenés à des éléments simples et mis en équation ? Le jugement que l’on peut porter sur ce genre de procès est forcément subjectif. ♦