Mussolini
Le destin de Mussolini est certainement l’un des plus extraordinaires de notre temps. Georges-Roux a écrit sur lui un livre de haute qualité, dont la division en chapitres relativement courts, rend la lecture particulièrement aisée, malgré l’importance de l’ouvrage. L’exposé des faits, leur enchaînement, leur signification, sont très clairement présentés, aussi complexe que soit, au-delà de l’aventure même de Mussolini, cette tranche de l’histoire contemporaine.
L’auteur montre d’abord comment Mussolini a su s’imposer à tout un peuple, et en partie au monde, lorsqu’il a pris le pouvoir. Absence de doctrine écrite et préétablie, mais volonté puissante et amour du pouvoir pour lui-même, trois conditions nécessaires pour mener une politique à la fois souple et ferme. L’image tracée par l’auteur, dans les premières années du Fascisme, est sympathique et compréhensive ; c’est celle d’un homme que n’anime aucune passion basse, et que l’amour de son pays transcende.
Puis le héros devient le prisonnier de son personnage, et, repoussé par les Occidentaux, succombe, pour son malheur et celui de l’Europe, à la fascination hitlérienne. Et c’est une autre image du Duce qui nous est offerte : celle d’un homme malade, dominé par un Allié dont il ne peut on n’ose secouer le joug, et qui s’achemine vers les actes les plus contraires aux intérêts de son pays et à la volonté de son peuple, avant de tomber dans la trahison.
Car, outre Mussolini, il y a dans ce livre un autre héros, moins visible, mais toujours présent : c’est le peuple italien, le petit peuple, pétri de finesse et d’intelligence par des siècles de haute civilisation, et qui suit son chef tant qu’il le conduit vers un progrès réel – même s’il s’amuse du spectacle et des gestes théâtraux, tout en s’y montrant sensible – mais qui s’en sépare lorsque ce chef dépasse la mesure et s’écarte de la voie nationale. Au fond, au-delà des drames familiaux et locaux dont cette histoire abonde, il y a cet accord ou ce désaccord entre le chef et le peuple, où réside en réalité toute la vérité de la vie d’une nation.
C’est pourquoi, en plaçant en exergue de son livre cette maxime de Carlyle : « L’histoire, c’est l’histoire des grands hommes », Georges-Roux n’a-t-il peut-être pas indiqué la réelle signification de son œuvre, celle que peut en tirer le lecteur attentif. Mais ce sera la seule remarque que nous ferons, bien minime en comparaison de la valeur de cette biographie d’un des hommes qui, indiscutablement, a le plus marqué la première partie de ce siècle. ♦