Nations africaines et solidarité mondiale
Écrit dans un style à la fois dense et nerveux, ce livre est celui d’un « économiste humaniste » qui, après avoir professé des idées marxistes, reconnaît en avoir abandonné une grande partie, tout en restant résolument socialiste. On sait d’autre part le rôle que M. Mamadou Dia a joué et continue de jouer au Sénégal et dans la Communauté. Les thèses qu’il expose dans ce court ouvrage ne peuvent donc laisser indifférent.
Il étudie d’abord ce que doit être la Révolution du XXe siècle : non une simple révolte de pays défavorisés, de « nations prolétaires », contre les nations dominantes, révolte qui serait sans conséquences durables et sans intérêt véritable pour l’ensemble de l’humanité, mais unie modification profonde des idées et des conceptions relatives aux rapports entre les peuples. Alors que « l’effort de décolonisation doit conduire les jeunes nations à se faire les principaux auteurs de leur histoire », l’Occident, dont « jamais la présence ne s’est fait sentir aussi dangereusement auprès de pays aussi violemment jaloux de leur souveraineté », doit comprendre qu’il ne peut plus être question d’instaurer un néocolonialisme économique.
Ce néocolonialisme, l’auteur en étudie les caractères dans la deuxième partie de son ouvrage. Il provient tout autant des pays colonisateurs occidentaux que des pays de l’Est. M. Mamadou Dia estime que les pays communistes, malgré les différences de doctrine avec les pays occidentaux, agissent cependant suivant les mêmes réflexes, et appliquent en fait les mêmes méthodes, se réfèrent aux mêmes critères. De cette affirmation, il fournit des exemples, en analysant l’économie des pays satellites et les pactes bilatéraux qui la lient à l’économie soviétique dominante. De même, il analyse l’économie du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Il conclut essentiellement cette partie de son ouvrage en insistant sur la valeur de l’indépendance nationale, qui est une « vocation collective », « un atout majeur pour aider à réaliser le Développement national », mais en soulignant avec autant de force « qu’il n’y aura pas de croissance ni de développement conférant une indépendance réelle à l’égard des économies des puissances constituées et qui tendent à renforcer leur domination, qu’elles soient d’inspiration socialiste ou capitaliste, en dehors de vastes communautés ».
Dans une troisième partie enfin, l’auteur traite plus spécialement des problèmes de l’ancienne Fédération du Mali, et défend à ce propos la thèse du « développement réciproque » présentée par M. François Perroux.
Livre vibrant de foi, objectif, passionné parfois, très éloigné des sentiers battus dans lesquels cheminent volontiers les anticolonialistes de métier, cherchant à proposer aux pays du monde entier une nouvelle construction et de nouvelles structures, surtout dans l’ordre économique ; c’est un des livres essentiels parus ces dernières années sur les problèmes du Tiers-Monde et plus particulièrement sur les problèmes africains. ♦