Le Viet Minh (1945-1960)
M. Bernard Fall s’est attaqué à un travail difficile : présenter, en un certain nombre de chapitres, dont chacun veut être une synthèse, la physionomie du Vietminh, depuis le moment où il est entré en action, jusqu’à nos jours. Il étudie ainsi successivement la naissance de l’État, l’administration et la justice, les relations extérieures, l’attitude du parti au pouvoir, l’armée et ses méthodes, l’économie, la mobilisation des masses, l’organisation et la législation ouvrières, l’instruction publique.
Il semble qu’il soit encore trop tôt pour se livrer objectivement à une étude d’une telle ampleur. La guerre, jusqu’en 1954, puis la période de réorganisation à partir de 1955, présentent des aspects si différents qu’il ne paraît pas possible de ne pas les distinguer, bien qu’en théorie les réalisations se soient enchaînées sans solution de continuité. D’autre part, il serait bon de distinguer aussi entre les réformes, telles qu’elles apparaissent sur le plan officiel des textes, et leur application, telle qu’elle se fait dans la réalité. À notre avis, M. Bernard Fall a voulu donner du Vietminh une image complète d’un ensemble d’institutions cohérentes, alors que ces institutions sont encore en pleine transformation et se ressentent largement d’improvisations nécessitées par les besoins de la vie quotidienne du pays, improvisations auxquelles le parti, pour être fidèle à sa doctrine, veut donner des allures théoriques et définitives.
Il n’en reste pas moins que la conscience avec laquelle le travail est mené en fait un document utile et même nécessaire pour la compréhension de ce qui se passe actuellement au Nord-Vietnam. Son œuvre a des qualités de clarté, qui sont l’avantage de certaines simplifications ; mais celles-ci négligent en grande partie la réalité humaine. Œuvre de sociologue, d’historien et de juriste, elle n’a pas la couleur que pourrait avoir une œuvre de psychologue ou de reporter. Tant il est vrai que les événements contemporains, auxquels tant de lecteurs ont été directement mêlés, peuvent difficilement faire l’objet d’études exhaustives. ♦