Deux actes du drame indochinois. Hanoï : juin 1940 – Dien Bien Phu : mars-mai 1954
Un livre important à verser au dossier des affaires d’Indochine, car il porte sur deux événements capitaux : l’un, l’entrée en jeu des Japonais en Indochine, immédiatement après le désastre de 1940, l’autre, la célèbre bataille qui, par ses conséquences psychologiques sur l’opinion française, fit perdre la guerre. Le général Catroux, acteur principal, du côté français, du premier de ces événements, disposant, quant au second, de la documentation la plus complète qu’il était possible de rassembler, lie les deux faits en constatant que le premier a été à l’origine de l’affaire franco-indochinoise, et le second à son terme.
Le lecteur d’aujourd’hui, anxieux de trouver des réponses aux questions qu’il s’est posées, et que l’opinion tout entière s’est posées sur les responsabilités encourues par les protagonistes de ces deux « actes du drame indochinois », donnera certainement la plus grande attention aux jugements du général Catroux sur l’attitude du Gouvernement de 1940 et les personnalités qui occupaient alors en Extrême-Orient le devant de la scène, et davantage encore sans doute, parce qu’ils portent sur des faits plus récents, sur les gouvernants et les chefs militaires de 1954. Cependant, il semble qu’il faille trouver au livre du général Catroux un autre centre d’intérêt et une autre suite d’enseignements.
En effet, il s’agit, plutôt que des personnes, de la nature même des attributions et de la façon dont elles ont été exercées, d’une part par le Gouvernement, d’autre part par les chefs militaires. L’absence initiale de directives gouvernementales, dans les deux cas étudiés par le général Catroux, entraîne le flottement et le retard dans les décisions prises en France, loin de l’atmosphère dans laquelle se déroulaient les faits. Toute différente que soit la situation dans laquelle s’est trouvé en 1940 l’auteur lui-même, de celle dans laquelle était placé le commandant en chef en 1955, on peut cependant y voir une certaine similitude : il leur fallait prendre des décisions de la plus haute importance, sans avoir les renseignements nécessaires sur les intentions du Gouvernement.
Ces deux exemples éclairent d’une lumière sans ombre la nature des rapports qui doivent s’établir entre le Gouvernement et les grands exécutants. C’est, semble-t-il, sur ce plan que leurs leçons sont les plus fructueuses et doivent être retenues avec le plus grand soin. ♦