La guerre moderne dans les trois dimensions
Notre collaborateur, le capitaine de vaisseau Lepotier, présente un livre de grand intérêt qui, chargé d’idées et de réflexions, en fait naître d’autres en nombre considérable. Aidé par une culture historique très développée, auteur d’un ouvrage apprécié : Mer contre Terre sur la guerre de Sécession, il souligne le rôle capital que la mer, donc la Marine, jouent dans les opérations modernes comme dans celles du passé. L’apparition des armes nouvelles, l’intervention capitale de l’aviation, n’ont, à son avis, rien bouleversé, rien supprimé mais seulement ajouté, et il suffit, pour faire face aux nouvelles conditions que la Marine s’adapte. Si le principe est juste en soi, il n’en est pas moins vrai que les évolutions en se succédant et en s’accélérant ne laissent plus grand’chose de l’édifice initial. Si les grands préceptes demeurent, ils s’élèvent en quelque sorte à de plus hauts degrés et les comparaisons avec les faits historiques deviennent de moins en moins valables.
Au surplus la guerre a pris un caractère très précis. La puissance militaire coûte aujourd’hui si cher qu’on ne peut plus en constituer une que dans un dessein bien défini, ce qui fixe au moins un niveau minimum.
Il faut également se méfier de donner trop d’importance aux précurseurs. Le commandant Lepotier accorde une importance exceptionnelle au brigadier-général William Mitchell et cite quelques-unes de ses prédictions qui se sont réalisées. Or, ce même Mitchell annonçait en 1928 : « Les porte-avions sont des instruments complètement inutiles contre des puissances de premier ordre. » « Aujourd’hui, à la mer, l’arme principale est le sous-marin. » « La meilleure défense contre le sous-marin est le sous-marin », etc.
Ces exemples montrent qu’il est toujours facile de trouver des arguments dans l’histoire pour soutenir presque n’importe quelle thèse. Le difficile est de l’étudier sans idée préconçue, sans thèse à défendre et de demander simplement aux faits de dicter leurs leçons.