Le temps du délire
Le temps du délire, c’est celui que nous vivons. La situation est plus troublante qu’avant la Seconde Guerre mondiale. Les crises peuvent venir de conflits extérieurs, mais plus encore d’antagonismes intérieurs. Le même virus a pénétré vaincus et vainqueurs. Toute l’Europe occidentale risque de s’effondrer. Une théorie à la grandeur intellectuelle et à la clarté logique de laquelle ne saurait plus se soustraire, le socialisme marxiste, est devenue l’expression grandiose de la crise de la société occidentale. La dissolution définitive de cette société constitue le but conscient et conséquemment poursuivi de cette doctrine. En face de cette révolution, le libéralisme n’est plus qu’une évolution « enlisée » et « embourbée ». L’URSS domine l’Europe politiquement et idéologiquement. Les accords de Postdam et de Yalta lui ont concédé une place prépondérante ; l’idéologie marxiste qui vient de l’Occident a fait pénétrer la Russie plus que jamais dans l’Occident. Moins armée, moins outillée actuellement que les États-Unis, elle peut être plus forte dans cinq ou dix ans ; on peut prévoir chez elle des conflits intérieurs, mais elle ne saurait revenir à la conception libérale bourgeoise de la démocratie. Qu’est-ce qui pourra lui faire obstacle lorsqu’elle aura dépassé en puissance les États-Unis ?
Est-ce donc l’ordre social imposé par la démocratie orientale qui marquera la fin de la crise actuelle ? C’est là l’issue à prévoir, selon Rauschning, si un humanisme chrétien n’arrive pas à unir les nations occidentales. La renaissance des idées morales refoulées par le nihilisme contemporain est le seul refuge que l’on puisse entrevoir. Pour créer une fédération européenne, fondée sur des principes de justice et de fraternité, l’intelligence et la tradition françaises peuvent jouer un rôle de premier plan. L’Allemagne trouvera su place dans cette union des Nations, si on lui laisse la possibilité de revenir à son idéalisme d’autrefois.
Tel est le tableau que Rauschning nous présente de l’Europe d’aujourd’hui. On se rappelle ce qu’il écrivait de l’Allemagne et de Hitler dans ses ouvrages parus à la veille de la guerre. Il suffit d’en citer les titres, La Révolution du Nihilisme, Hitler m’a dit pour souligner l’importance de tout ce qu’il publie. Mais il convient d’ajouter : Rauschning ne nous dit pas par quels moyens le renouveau moral et social qu’il rêve pour l’Europe peut être accompli.