En septembre 1939, la Pologne est balayée en quelques semaines, à la fois par l’efficacité de la machine de guerre nazie et par l’inadaptation dramatique du commandement polonais. Malheureusement, la France ne sut pas tirer les leçons de cette campagne.
Histoire militaire – Septembre 1939 : la disparition de la Pologne
Military History—September 1939: the Disappearance of Poland
In September 1939, Poland was wiped from the map in just a few weeks as a result both of the effectiveness of the Nazi war machine and of the astonishing inability of the Polish high command to adapt to the situation. It was unfortunate that France failed to draw lessons from that campaign.
Le premier mois de la guerre fut marqué par la disparition rapide de la Pologne, qui, il faut en convenir, était inscrite dans les faits, autant par la géographie que par le rapport de force entre les deux belligérants.
Depuis la Prusse orientale et la Poméranie au nord, la Haute-Silésie et les territoires tchèques et slovaques occupés au printemps, l’Allemagne encerclait la Pologne et son plan d’opérations, sous forme d’une gigantesque tenaille, ne pouvait que sauter aux yeux, dès lors que l’on se penchait sur une carte. Nonobstant cette évidence et le fait que le rapport de force penchait très fortement pour le camp allemand, au lieu de concentrer leur défense à hauteur de la Vistule et de son affluent, le San, qui raccourcissait considérablement leur ligne de front et leur évitait un encerclement initial, sous une forme de fuite en avant, le commandement polonais opta pour la plus mauvaise des solutions, image de l’orgueil national polonais : une défense de l’avant, en concentrant les forces vives de ses armées dans la zone occidentale du pays, là où les Allemands devaient frapper, sous forme de Blitzkrieg. Même les réserves de théâtre se trouvaient déployées.
Qui plus est, le rapport de force était écrasant au bénéfice de l’armée allemande et les dispositions intellectuelles des deux états-majors centraux penchaient également du côté allemand.
La Wehrmacht allait mettre en œuvre, outre une quarantaine de divisions d’infanterie classiques, l’ensemble de ses forces blindées et motorisées : soit quatorze divisions « rapides », selon la terminologie de l’époque. Tous les échelons du commandement de ces divisions étaient parfaitement entraînés à leur maniement, autour du triptyque char-avion-radio. L’armée polonaise ne possédait pratiquement aucune unité motorisée et encore moins blindée. Pratiquement dépourvues d’appui aérien, les unités polonaises ne comptaient ni armement antiaérien ni armement antichar. Enfin, enfermés dans une extraordinaire rigidité intellectuelle, les généraux polonais avaient toujours refusé, avant-guerre, d’adapter leur outil aux nouvelles donnes technologiques ou doctrinales du moment.
À défaut de prendre l’offensive, ce qui était quand même illusoire, le commandement polonais avait l’intention d’engager des contre-offensives immédiates visant à désintégrer la tenaille allemande, dont les deux mâchoires au nord et au sud seraient trop éloignées l’une de l’autre pour se resserrer à l’arrière des forces polonaises. L’état-major polonais nageait en plein irréalisme, d’autant plus qu’il attendait une réaction française sur le front franco-allemand…
Le plan allemand se déroulait comme il avait été planifié : l’armée Küchler, débouchant de Prusse orientale, soutenue par celle de Kluge qui coupait le corridor de Dantzig, progressait du nord au sud vers la Narev, avant de franchir le Bug, en direction de Brest-Litovsk. Au sud, l’armée de Reichenau, débouchant de Silésie, visait le cours moyen de la Vistule. Sur sa droite, l’armée de List s’emparait de Cracovie et progressait vers l’est, en direction du San et de Przemysl.
Très rapidement, le commandement allemand prenait conscience de la pertinence de son plan, et surtout de la capacité des grandes unités blindées, de manœuvrer en autonome, à leur rythme, sans attendre le soutien des corps d’infanterie. Le Blitzkrieg s’imposait.
Le 10 septembre seulement, réalisant enfin l’inanité de son système de défense, le
commandement polonais donnait l’ordre de retraite, en direction du sud-est ; mais il était trop tard. L’enveloppement des armées polonaises à l’ouest de la Vistule était consommé par la jonction rapide des corps blindés de Guderian qui, sur la mâchoire nord, atteignait Brest-Litovsk, tandis que celui de Kleist, sur la mâchoire sud, atteignait Lemberg et poursuivait vers le nord.
À ce stade, en dix jours, la campagne était virtuellement terminée, les opérations ne visant alors qu’à resserrer le dispositif allemand autour de Varsovie. Le 17 septembre, sur sa frontière orientale, la Pologne était envahie par l’Armée rouge, dans une zone vide de troupes.
Quinze jours à peine avaient suffi au commandement allemand pour détruire l’armée polonaise. Même une réelle offensive française à l’Ouest (mais où ?) n’aurait servi à rien pour sauver la cause polonaise.
Quels ont été les enseignements majeurs que les deux camps ont pu tirer de cette campagne éclair ?
Nul doute que pour les Allemands, la campagne de Pologne fut un formidable encouragement à poursuivre la mise au point de la doctrine du Blitzkrieg et l’équipement des grandes unités blindées. À ce titre, les blindés légers des types Panzer 1 et 2 furent retirés du service pour être remplacés, au fur et à mesure des sorties d’usine, par des chars moyens, armés de canons et non pas de mitrailleuses. Le succès prodigieux de cette campagne fut également un excellent argument pour faire taire les préventions qui se faisaient encore jour au sein de l’état-major allemand à l’égard de la guerre éclair.
Mais le paradoxe fut que, du côté français également, les enseignements tirés de cette campagne, où aucune unité française n’était engagée, aboutirent aussi à une confirmation de la doctrine en vigueur. Quand on ne veut pas se remettre en cause, ce sont toujours les mêmes arguments qui sont ressassés : l’armée française n’était pas l’armée polonaise ; les conditions d’engagement de l’armée allemande n’avaient rien à voir avec celles qu’elle pourrait rencontrer en France. Seul, au PC de la 5e Armée, le commandant des chars proposa au commandement une refonte et une remise en cause de la doctrine d’emploi des chars comme accompagnement d’infanterie. Sa proposition demeura lettre morte. Il récidiva au mois de janvier en adressant, hors de toute voie hiérarchique, un mémorandum en ce sens à quatre-vingts personnalités politiques, qui recueillit le même silence poli… Il s’agissait du colonel Charles de Gaulle…
Le réveil n’en fut que plus brutal ! ♦