Editorial
Éditorial
Les crises sont des « accélérateurs de l’Histoire », ou tout au moins elles mettent en évidence des mouvements de fond que l’on pressentait sans les voir. C’est le cas aujourd’hui avec la crise sanitaire provoquée par le coronavirus. Depuis plus de deux siècles – c’est-à-dire depuis l’éternité pour une mémoire humaine – les pays occidentaux étaient devenus le centre du monde, du fait de leur avance technologique, de leur expansion coloniale, de la puissance de leurs économies et de leur domination politique et culturelle.
Et puis soudain, la crise financière de 2008, l’émergence des « tigres » asiatiques, le désengagement relatif des États-Unis, les difficultés de la construction européenne, la montée d’une contestation islamiste, le retour d’ambitions impériales de certains pays, la pression démographique de l’Afrique… font que « notre monde » paraît bouleversé et que nous avons le sentiment de ne plus en être tout à fait le maître. C’est ce qui amène de nombreux observateurs à se poser la question : « Sommes-nous entrés dans l’ère post-occidentale ? »
Naturellement, les pays occidentaux demeurent très influents et conservent un certain nombre d’atouts importants, qui ne disparaîtront pas du jour au lendemain. Par ailleurs, la crise de la Covid-19 a amené les pays européens à franchir une étape significative en mutualisant leurs dettes autour d’un plan de redressement économique ambitieux. Elle a aussi contribué largement à la non-réélection du président Trump, qui laisse la place à une nouvelle administration américaine soucieuse de renouer les liens avec les partenaires stratégiques des États-Unis, dans l’espoir de contenir la montée en puissance du concurrent chinois.
Mais ce « retour » de l’Amérique sur la scène internationale ne sera pas une simple « restauration » et il comporte le risque de tensions fortes avec Pékin, notamment au sujet de Taïwan. En outre, le Conseil de sécurité des Nations unies est aujourd’hui bloqué par les divergences entre ses membres permanents et la perspective d’une réforme du Conseil – pour mieux refléter les réalités d’aujourd’hui – est encore floue. Pékin, Moscou, Ankara et Téhéran tiennent un discours antioccidental et n’hésitent plus à contester le caractère « universel » des valeurs démocratiques. Sur le plan économique, enfin, le balancier penche de plus en plus vers l’Asie. Bref, nous sommes entrés dans une phase de transformation en profondeur de l’ordre international, sans que de nouveaux équilibres n’apparaissent encore clairement.
C’est la raison pour laquelle la Revue Défense Nationale a pensé utile d’interroger un certain nombre de personnalités compétentes venant d’horizons divers, afin de mieux mesurer les différentes facettes d’un phénomène – l’entrée dans une ère post-occidentale ? – qui ne peut que nous interpeller. Je voudrais donc – au nom de la direction de la RDN – remercier chaleureusement tous les auteurs qui ont accepté d’apporter leur contribution à cette réflexion collective qui, je l’espère, éclairera la lanterne de nos lecteurs. ♦