Les conséquences de la pandémie causée par le nouveau coronavirus se font sentir à l’échelle mondiale. Jamais auparavant nous n’avons été confrontés à une menace de cette ampleur pour la sécurité internationale. Plus que tout autre conflit ou catastrophe, de mémoire d’homme, la Covid-19 met en danger la vie et les moyens de subsistance de millions – voire de milliards – de personnes dans le monde. Cependant, même si la pandémie elle-même est un phénomène nouveau, ses effets ne le sont pas. Au contraire, la Covid-19 accélère et exacerbe la multitude de problèmes de sécurité auxquels la communauté internationale était confrontée bien avant que le virus n’apparaisse. Le contexte de cette épidémie est un monde qui était déjà hors de contrôle, caractérisé par une incertitude croissante.

La pandémie et les différentes réponses qui lui ont été apportées ont mis l’état de la géopolitique actuelle sous une loupe. Lorsque nous nous pencherons sur ce moment de l’histoire du monde, nous verrons probablement que la Covid-19 a été moins un tournant, mais plutôt un catalyseur qui a accéléré les tendances existantes de la politique internationale : le déclin du leadership américain et les relations transatlantiques tendues ; la diminution de la coopération mondiale avec le retour du nationalisme et de la politique des grandes puissances. Le monde est devenu moins occidental et l’Occident lui-même devient moins occidental, lui aussi. Cette évolution a été décrite avec inquiétude pendant la conférence de Munich sur la sécurité (Munich Security Conference). Par conséquent, dans un monde qui était caractérisé par l’absence de volonté bien avant la pandémie, ce qui va changer n’est pas le fait de l’incertitude, mais de l’ampleur. La manière dont l’Europe affrontera l’épreuve supplémentaire que la pandémie représente pour sa capacité à naviguer dans cet environnement complexe, déterminera de manière cruciale son rôle géopolitique futur.

Le projet européen sous pression

L’impact de la pandémie peut être ressenti dans tous les domaines de la politique internationale. Pour l’UE, la propagation de la Covid-19 vers et à travers l’Europe est devenue une nouvelle épreuve décisive pour la cohésion européenne déjà mise à rude épreuve. La pandémie prouve, en fin de compte, à quel point nous vivons dans un monde interdépendant. Cette interdépendance va de pair avec la perte du monopole du pouvoir de l’État-nation. Lorsque l’Empire allemand a été fondé en 1871, le nouvel État était peut-être capable d’assurer sa sécurité et sa prospérité, tant extérieure qu’intérieure. Les petits États-nations européens d’aujourd’hui ne peuvent plus tenir une telle promesse. En effet, comme le montre clairement la pandémie, la solution à presque toutes les questions difficiles auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui dépasse la capacité des États-nations individuellement. Seules les approches globales de résolution des problèmes ont des chances de réussir. Lorsque des dirigeants autoritaires ou populistes disent à leurs partisans le contraire – à savoir que l’État-nation qui a forgé l’identité nationale est bien vivant et puissant – ils les trompent.