Les politiques de renseignement sont très variables d’un pays à l’autre, en particulier leur transparence et leur système de contrôle par les citoyens. D’où ce projet d’évaluation à l’échelle européenne avec des critères d’analyse permettant de saisir les bonnes pratiques dans des États revendiquant leur caractère démocratique.
La transparence des politiques de renseignement : une tentative d’évaluation à l’échelle européenne
Transparency in Intelligence Policies: a Europe-Scale Attempt at Assessment
Policies on intelligence vary considerably from one country to another, especially regarding transparency and systems of control by private citizens. Hence this pan-European assessment project with analysis criteria intended to identify good practices in member states that claim to be democratic.
Les exigences de transparence (1) à l’égard des États européens augmentent depuis des années, et particulièrement depuis l’éclatement de scandales impliquant directement les services de renseignement. Lorsque ces services peinent encore à être transparents, une émergence des lanceurs d’alertes peut être observée, normalisant cette tendance où les citoyens s’auto-investissent d’une mission d’information afin de combler le vide laissé par les autorités publiques. En 2013, dans un entretien au Guardian, Edward Snowden déclarait à cette fin : « Ma seule motivation est d’informer le public sur ce qui est fait en leur nom et ce qui est fait contre eux. » Afin de pallier cet épiphénomène pouvant provoquer la révélation de secrets d’État et mettre en danger les intérêts des citoyens, les services de renseignement – également fortement encouragés par un cadre normatif européen – se sont vus obligés de se saisir de cette problématique devenue la clé de leur légitimité.
En outre, le renseignement se construit progressivement comme une politique publique au sein des États européens, et celle-ci n’échappe pas à une demande accrue d’accessibilité et de diffusion de l’information. Le paradoxe est pourtant saisissant : parler de transparence en évoquant un domaine par essence secret peut surprendre. Toutefois, cet objectif est de plus en plus assumé afin d’établir une relation de confiance entre les dirigeants politiques, les communautés de renseignement et les citoyens. Ce désir de transparence porte à la fois sur la connaissance des motivations des décisions politiques, sur le coût et le fonctionnement des services de renseignement, et sur les méthodes utilisées par ceux-ci. Une transparence absolue des services de renseignement n’est ni atteignable, ni sans doute même souhaitable ; mais une parfaite opacité est également préjudiciable au fonctionnement, à l’efficacité et à la légitimité de ceux-ci.
Cet article a l’ambition de proposer une évaluation de la transparence des communautés de renseignement des pays européens, sous la forme d’un indice permettant de visualiser les bonnes pratiques relatives à la responsabilité des dirigeants et des agences, contribuant à la protection de la démocratie. Cette tentative d’évaluation et de classement porte sur les pays membres de l’Union européenne (avant le Brexit, à l’exception de l’Irlande et Malte dont les services de renseignement, en raison de leur organisation, étaient peu pertinents à étudier dans cet article). Elle mobilise pour ce faire les données les plus récentes possibles. Les pays et leurs communautés sont évalués selon cinq critères distincts.
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