La défaite irakienne a été cruelle pour Moscou, révélant le retard militaire accumulé par la Russie. Celle-ci s’est efforcée d’en tirer les leçons pour moderniser son appareil de défense. Les opérations alliées au Kosovo – huit ans plus tard – ont accéléré la prise de conscience par les Russes de leurs lacunes.
La guerre du Golfe vue de Moscou : la haute précision en ligne de mire
The Gulf War Seen from Moscow: High Accuracy in the Firing Line
The Iraqi defeat was a kick in the teeth for Moscow, since it revealed how far behind Russia had fallen militarily. Russia made efforts to draw lessons from that defeat in order to modernise its defence arrangements. Eight years later, the allied operations in Kosovo spurred recognition by the Russians of their own shortcomings.
L’annexion du Koweït par l’Irak, le 2 août 1990, coïncide avec la fin de la guerre froide. Mikhaïl Gorbatchev a accepté, quelques semaines plus tôt, la réunification accélérée de l’Allemagne, ainsi que son maintien dans l’Otan, revenant sur sa demande initiale de neutralité. La crise du Golfe manifeste le dépassement de l’antagonisme Est-Ouest et marque l’aboutissement de la « Nouvelle pensée » gorbatchévienne en matière de politique étrangère. Moscou agit à l’unisson de la communauté internationale, votant toutes les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, y compris la résolution n° 678 du 29 novembre 1990 qui autorise le recours à la force au terme d’un ultimatum fixé au 15 janvier 1991. Favorable à une solution négociée, la direction soviétique multiplie, au cours de l’automne, les initiatives diplomatiques pour tenter de trouver une issue au conflit et d’empêcher la guerre. Le déclenchement de l’opération Tempête du Désert (Desert Storm), le 17 janvier 1991, réduit à néant ses efforts de médiation.
La coalition internationale emmenée par les États-Unis emporte une victoire rapide et nette sur l’armée irakienne et démontre l’efficacité de la doctrine américaine de combat aéroterrestre (AirLand Battle). Comment cette guerre d’un nouveau genre qui consacre la suprématie de l’arme aérienne et la domination de l’armée américaine est-elle interprétée par les théoriciens militaires russes qui, au même moment, voient leur pays se déliter et sa puissance s’affaisser ? Les opérations aériennes conduites en 1991 pendant 35 jours contre l’Irak et plus encore celles menées au Kosovo par l’Otan en 1999 pendant 78 jours contre la Serbie les incitent à repenser le cadre de la dissuasion nucléaire et à accorder une importance redoublée à la défense antiaérienne et aux armes de haute précision.
L’avènement de la guerre « sans contact »
Dès 1992, des officiers russes dressent un bilan de la guerre du Golfe et s’efforcent d’en tirer des enseignements pour l’armée russe. Ils se penchent en particulier sur l’usage de l’arme aérienne à partir d’un rapport publié par le Pentagone. D’emblée l’accent est mis sur le caractère lointain, ciblé et discriminant des opérations aériennes, ainsi que sur la capacité à imposer une domination aérienne et à désorganiser les forces irakiennes au Koweït. Les avions de la coalition ont, notent-ils, dominé l’espace aérien dès les premiers jours de combat grâce à une planification des actions visant à détruire les aérodromes et les avions, et à neutraliser les systèmes de défense antiaérienne de l’adversaire, ainsi que certains systèmes d’armes et le personnel chargé de les faire fonctionner. S’ils font remarquer que les systèmes antiaériens irakiens ont été facilement neutralisés en raison de l’extrême centralisation de leur commandement, ils reconnaissent toutefois que ces actions ont paralysé en un temps réduit l’ensemble des forces et des moyens de défense de l’armée irakienne, présentée avant-guerre comme la quatrième armée du monde.
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