Les Kiribati, en plein cœur du Pacifique, sont une des cibles de l’activisme de la Chine, avec plus ou moins de succès, dans la mesure où l’intérêt de Pékin semble plus géopolitique que philanthropique. Les moyens déployés par le régime chinois permettent de créer un lien de dépendance, même si l’archipel s’efforce de maintenir une forme de neutralité.
L’influence chinoise dans les Kiribati à l’épreuve de la longue durée
Long-Term Chinese Presence in Kiribati
The islands of Kiribati, in the heart of the Pacific, figure among the targets of Chinese activism, with varying degrees of success insofar as Beijing sees its interest as more geopolitical than philanthropic. The means the Chinese government is bringing to bear could lead to dependency even though the archipelago is making effort to maintain some form of neutrality.
« Ils sont partout » … Pour preuve, les Chinois ont posé pieds aux Kiribati (ou I-Kiribati (1)), archétype du « micro-État », y compris au regard de pays comme les Fidji ou le Vanuatu. Que sont donc venus faire ces émissaires dans Tarawa-Sud, la capitale qui s’étire au sud de l’atoll de Tarawa, sur une étroite bande de terre (parfois seulement quelques mètres !) de 15 km² et peuplée de 60 000 personnes ? L’aéroport international y est relié deux jours par semaine aux Fidji ; les plaques d’immatriculation n’ont pas encore besoin de lettres ; et la monnaie d’échange reste le dollar australien. Une fois tourné le dos à la plage, la réalité rattrape le visiteur déjà averti par quelques indicateurs. L’ancien protectorat britannique, devenu indépendant en 1979 et peuplé en 2022 de 131 200 habitants, pointe au 137e rang de l’Indice de développement humain et à la 129e place en ce qui concerne le PIB par habitant (1 702 dollars). Le paradis annoncé par l’exotisme littéraire s’efface vite sous les déchets plastiques et devant le triptyque socio-économique : obésité, tôle ondulée, vulnérabilité. Ici, le bulletin météorologique mensuel propose en sus le bilan de la montée des eaux, dans un territoire où l’altitude moyenne s’élève à deux mètres. Déjà, l’érosion des côtes est à l’œuvre et la qualité des terres arables est impactée.
Cette implantation chinoise, matérialisée entre autres par une ambassade rutilante et une flotte marchande à l’ancre au large, date du dernier revirement diplomatique des Kiribati. Le pays, pragmatique, oscille : pro-Pékin de 1980 à 2003, puis pro-Taipei jusqu’en 2019 et aujourd’hui de nouveau pro-Pékin. Étant donné le contexte local et à croire certains médias français (2), faut-il y voir une confirmation de « l’annexion chinoise » du Pacifique ?
Pour tenter d’y répondre, il a fallu s’entretenir avec des chercheurs, activistes et journalistes. Surtout, il était temps d’« aller voir » ce pays situé en dehors des radars aussi bien militaires qu’universitaires. Sa Zone économique exclusive (ZEE) de 3,4 millions de km² s’étire pourtant sur trois fuseaux horaires. Elle est également frontalière de la France (via la Polynésie française) ainsi que des États-Unis (via les atolls ou îles de Palmyra, de Jarvis, d’Howland et de Baker, voire d’Hawaï, où est basé l’Indo-Pacific Command). D’un point de vue plus scientifique, présager du comportement chinois exige le recours à une matrice qui allie motivations, moyens et opportunités.
Il reste 87 % de l'article à lire
Plan de l'article